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CON

ne donnent pas. S. Evr. Il ne faut pas même rejeter tous les mauvais conseils, de peur de rebuter ceux qui en pourroient donner de bons. Id. Cromwel ne laissoit rien à faire à la fortune de ce qu’il lui pouvoir ôter par conseil ou par prévoyance. Fléch. Le Prince doit prendre garde à ne se rendre pas trop farouche sur les conseils qu’on lui donne. S. Evr. On ne doit risquer des conseils & des avertissemens qu’avec beaucoup de circonspection. Id. La pauvreté ne donne que de mauvais conseils. Fléch. Ne donnez pas vos conseils comme une loi que vous imposez. S. Evr. Il faut autant de discrétion pour donner conseil, que de docilité pour le recevoir. S. Evr.

On dit qu’une femme prend conseil de son miroir pour se bien mettre.

Conseil signifie quelquefois résolution. Le conseil en est pris, c’est-à-dire, l’affaire est conclue, arrêtée. Un bon Capitaine doit prendre conseil sur le champ : ce que les Latins appeloient, in arenâ.

On attribue le conseil aux choses inanimées & aux passions, & on appelle conseils, les mouvemens qu’elles excitent dans l’ame. Il suivoit toujours les conseils de l’avarice. Il n’a pris conseil que de son amour.

Il faut se contenter de sa condition,
Aux conseils de l’amour & de l’ambition
Nous devons fermer les oreilles.

☞ En parlant des décrets de la Providence, on dit les conseils de Dieu. Les conseils de Dieu sont impénétrables. Notre destinée est résolue de toute éternité dans le conseil de Dieu ; nous nous tourmentons en vain, nous n’en changerons point les arrêts. S. Evr. Il ne faut point censurer la conduite de la Providence, ni pénétrer ses conseils. Claud.

☞ On appelle conseils évangéliques, certains conseils que l’Evangile propose pour une plus grande perfection. Ce sont des actions excellentes que J. C. nous a proposées, & auxquelles il a exhorté, sans imposer aucune obligation de les pratiquer. Ainsi la différence qu’il y a entre les préceptes & les conseils de l’Evangile consiste en ce que les préceptes sont d’obligation par eux-mêmes : on ne peut jamais être sauvé sans les accomplir, en quelqu’état qu’on se trouve ; mais on peut être sauvé sans pratiquer les conseils de l’Evangile : ils ne sont d’obligation que pour ceux qui sont engagés par vœu à les suivre »

Les conseils que Jesus-Christ donne aux hommes en général, dit l’Abbé de la Trappe, lui sont devenus par sa vocation des préceptes indispensables. Dom Masson, Général des Chartreux, dans sa réponse, pag. 135, dit que cette proposition n’est ni véritable, ni soûtenable ; que la Profession religieuse ne change point la qualité des conseils de l’Evangile, si ce n’est en ce qui est essentiel au vœu de la Religion, qui est devenu d’obligation au Religieux par la force de son vœu.

Conseil se dit aussi en ces phrases : La nuit porte conseil ; pour dire, qu’il faut rêver à une affaire avant que de l’entreprendre. On dit aussi, qu’un homme ne prend conseil que de sa tête ; pour dire, qu’il ne demande conseil à personne. On disoit en ce sens de la mule du Roi Louis XI, qu’elle étoit bien forte, qu’elle portoit le Roi & tout son Conseil. On dit aussi, à nouvelles affaires, nouveaux conseils ; pour dire, qu’il faut se déterminer selon les conjonctures. On dit aussi, qu’un homme a bientôt assemblé son conseil ; pour dire, qu’il est prompt à prendre ses résolutions.

☞ CONSEILLER, ÈRE. f. C’est en général celui ou celle qui donne conseil. Consiliarius, consiliator, consiliatrix. On le dit aussi figurément des passions & des choses qui servent à régler l’esprit & le cœur. Vous êtes un bon, un mauvais conseiller. La colère, la nécessité sont de mauvaises conseillères. A l’étude des langues, le prince des Asturies joignit celle de l’histoire, la sage conseillère des Princes & des Rois. Mongin.

☞ Le Roi a des Conseillers auprès de sa personne, pour l’aider dans le gouvernement de l’Etat. Plusieurs, sans être auprès du Roi directement, portent le titre de Conseillers du Roi, comme ceux qui sont auprès des Juges royaux. Quelques-uns même, sans faire aucune fonction de judicature, prennent ce titre. Il n’y a pas jusqu’aux Notaires, qui prennent maintenant la qualité de Conseillers-Notaires & Garde-notes du Roi. On a expédié plusieurs brevets de Conseillers, Aumôniers & Prédicateurs ordinaires du Roi, à des gens qui n’ont jamais fait cette fonction. Regis Consiliarius, Regi à consiliis.

☞ Le titre de Conseiller d’Etat, de Conseiller du Roi en tous ses conseils se donnent particulièrement aux Ministres, Secrétaires d’Etat & autres personnes considérables qu’il plaît au Roi d’appeler auprès de sa personne pour les consulter. Voyez Conseil du Roi. Regi sanctioribus à consiliis. Conseiller au Conseil royal, celui qui a entrée au Conseil royal des Finances. Un Conseiller d’Etat ne doit être ni de ces gens hardis qui hasardent trop ; ni de ces timides qui s’allarment de tout. S. Evr, Le Prince doit autoriser lui-même par des manières humaines la sage liberté de ses Conseillers. Id.

Conseiller se dit aussi particulièrement des Juges établis pour l’administration de la justice, dans une compagnie réglée. A Paris, & dans tout le ressort du Parlement, Conseiller en la Cour, signifie absolument un Conseiller au Parlement de Paris. Cette qualification doit se prendre relativement au pays. Supremæ Curiæ, in Supremâ Curiâ Senator.

Au temps du premier établissement du Parlement, on appeloit les Conseillers, Maîtres du Parlement. Dans une Ordonnance de l’an 1321, il y a une défense aux Maîtres de désemparer de la ville, sans la permission du Souverain ; c’est-à-dire, du premier Président. Pasq. Les Conseillers de la Chambre des Comptes ont encore conservé le nom de Maîtres. Un Conseiller aux Enquêtes, à la Grand’Chambre, à la Cour des Aides, au Grand-Conseil, à la Cour des Monnoies. Les Conseillers au Parlement ont été distingués en Jugeurs ou Regardeurs des Enquêtes, & Enquêteurs ou Rapporteurs, aussi-bien que ceux des autres corps, comme les Olim en font foi, & M. de la Mare le prouve dans son Traité de la Police, L. I, T. XI, c. 3.

On le dit encore des Présidiaux & Sièges royaux. Præsidialis Curiæ Senator. Conseiller au Châtelet, au Bailliage du Palais, aux Eaux & forêts, au Trésor, à l’Election. Conseillers de ville, &c.

On divise encore les Conseillers en Conseillers d’Eglise, qui sont Ecclésiastiques, & en Conseillers laïques, qui sont les séculiers. Les Conseillers Ecclésiastiques sont appelés communément Conseillers-clercs. Charles IX. par un Edit de 1573, créa un Office de Conseiller-clerc dans tous les Sièges Présidiaux du Royaume ; afin qu’en qualité d’Ecclésiastique il tînt la main à ce que les droits de l’Eglise ne fussent point usurpés. Les Conseillers-clercs jouissent du revenu de leurs bénéfices, quoiqu’ils ne résident pas, parce qu’ils rendent service à l’Eglise par l’exercice de leur charge, en conservant ses droits, & en veillant à ses intérêts. Les Conseillers-clercs n’assistent point aux procès criminels. Il y a quatre anciennes charges de Conseillers-clercs au Châtelet, qui dans la suite se sont trouvées remplies par des laïques. La Roche Flavin observe que la même chose étoit arrivée au Parlement ; que néanmoins ces Charges n’ont été cassées par aucun Edit ; mais qu’autrefois de simples Clercs y ont été admis trop facilement ; & qu’ils les ont fait passer insensiblement dans l’état laïque, en se mariant au préjudice du serment qu’ils avoient fait à leur réception, de