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CON

& les arrêts l’ont autorisée. Mais outre que cette expérience offense la pudeur, & qu’elle est contraire à la pureté de nos mœurs, on a reconnu que cette prétendue certitude que l’on pouvoit en tirer, & qui seule l’avoit fait accepter, étoit une illusion ; & que dans la plûpart de ceux qu’on y assujétissoit, la honte de l’accusation, la crainte d’un événement incertain, la pudeur & le trouble causé par la présence des experts, produisoient le même effet que l’impuissance naturelle. L’effronterie seule pouvoir soûtenir les honteuses formalités du congrès. Une femme ne doit jamais venir à la fâcheuse extrémité de publier des malheurs domestiques, que la pudeur lui ordonne de tenir secrets, ni faire éclater son infortune. C. B. Boileau dit en parlant des animaux,

Que jamais Juge entr’eux, ordonnant le congrès,
De ce burlesque mot n’a sali ses arrêts.

On a enfin abrogé l’usage du congrès par un sage arrêt du Parlement du 18 Février 1677, inséré dans le Journal du Palais, il fait aujourd’hui Loi dans tout le Royaume. On tient qu’il n’avoit été pratiqué en France que depuis 110 ans. Voyez Hotman, Tagerau, & le Dictionaire Critique de M. Bayle à l’art. de Quellenec.

Congrès se dit aussi d’une assemblée de plusieurs Ministres des différentes Puissances qui se sont rendus dans le même endroit pour traiter, discuter, concilier les intérêts de leurs Cours respectives, conclure un traité, la paix. Le Congrès de la Haye, d’Utrecht, de Cambrai, de Soissons. &c. Ce mot vient du Latin congressio, congressus, assemblée, conférence.

☞ CONGRESSION. s. f. dans Montagne, synonyme à congrès ; accouplement du mâle & de la femelle.

CONGRIER. s. m. terme de Coutume, du latin congregare, est un espace dans une rivière enfermé de pieux joints près l’un de l’autre, & sortant hors de l’eau, entre lesquels le poisson est enfermé. Droit de congrier, est le droit de faire un congrier dans une rivière.

☞ CONGRU, UE. adj. convenable, congruus. Dans ce sens on ne le dit qu’en Droit Canonique. Portion congrue, somme que les gros décimateurs sont obligés de fournir ou de suppléer aux Curés qui n’ont pas assez de revenu pour pouvoir subsister, congrua portio. Les portions congrues sont ordinairement taxées à 300 livres. Elles ont été augmentées dans ces derniers temps, & portées à 450 livres.

Congru, ue, est aussi un terme de Grammaire qui se dit d’un discours où il n’y a point de faute contre la Grammaire, ni contre la syntaxe. Sermo congruus, congrua oratio. Diction congrue, phrase congrue, qui est selon les règles de la Grammaire.

Congru, en Géométrie, se dit de deux figures qui se correspondent parfaitement quand elles sont mises l’une sur l’autre. Quæ mutuò sibi congruunt. Deux triangles semblables & égaux sont dits congrus, parce que appliqués l’un sur l’autre, selon les mêmes dimensions, ils conviennent parfaitement.

Congru, ue, terme dogmatique qui se dit de la grace, congruus, a, um, propre à produire son effet, proportionné à la production de cet effet ; qui est de telle nature, qui a telle force ou activité, qui produira son effet, quoiqu’il put absolument ne le pas produire. Voilà en général ce que c’est que congru, & ce que ce mot signifie ; mais les Théologiens expliquent différemment en quoi cela consiste. Les Scotistes disent que l’efficacité de la grace consiste en ce qu’elle est proportionnée au génie & aux dispositions de celui à qui elle est donnée, joint un décret non pas antécédent mais concomitant, accompagnant la détermination de la volonté. Tel est le sentiment d’Angelus à monte Piloso. Plusieurs autres Scotistes cités par Hugo Cavellus, & Cavellus lui-même dans ses Notes ou Scholies sur les Ouvrages de Scot, craignant que ce décret ne nuise encore à la liberté, font précéder la science des conditionnels, par laquelle Dieu voit cette grace tellement proportionée au génie & aux dispositions actuelles d’un tel homme, que si elle lui est donnée dans ces circonstances, elle aura infailliblement son effet ; & ces Auteurs prétendent que c’est-là la pensée de Scot.

Les Jésuites, & un grand nombre de Théologiens séculiers & réguliers de tous les Ordres, disent aussi que la grace congrue est celle qui est tellement proportionée au génie & aux dispositions de celui à qui elle est donnée, que Dieu a prévu que si elle lui étoit donnée en telle & telle circonstances, elle auroit son effet. Et la grace efficace est cette grace congrue donnée à l’homme par une affection particulière de Dieu. Cette grace ne nuit point à la liberté, car elle suppose la préscience de l’exercice de la liberté & de la détermination de la volonté. D’ailleurs elle est infaillible & aussi infaillible que la préscience même de Dieu.

Ce nom vient du latin congruus, & il a été donné à la grâce efficace à l’occasion de quelques passages de S. Augustin, qui appelle congrus les secours que Dieu donne à l’homme pour l’attirer à soi : Sic vocat quomodo scit congruere, ut vocantem non spernat. Et. L. I. ad Simpl. quæst. 2. Hoc modo vocavit quomodo aptum erat eis, qui secuti sunt vocantem. Et de bono perseverantiæ, C. 14. ex quo apparet habere quosdam in ipso ingenio divinum naturaliter munus intelligentiæ, quo moveantur ad fidem, si congrua suis mentibus vel signa conspiciant.

CONGRUAIRE. adj. nom que l’on donne aux Curés ou Vicaires perpétuels, qui n’ont qu’une portion congrue du revenu de leur bénéfice. C’est une maxime certaine que les dixmes de terres novales appartiennent aux Curés congruaires, à l’exclusion des Curés primitifs ou gros décimateurs, suivant la déclaration du Roi de 1686.

CONGRUEMENT. adv. Voyez Congrument.

☞ CONGRUENCE, égalité & similitude de deux choses. Voyez Congru, terme de Géométrie.

CONGRUENT, ENTE, adj. m. & f. vieux mot, convenable, du latin Congruens. Le Médecin, après avoir fait enlever de dessus la table de Sancho Panca, devenu Gouverneur d’une Île, beaucoup de mets capables d’exciter l’appétit. Pour l’heure, dit-il, ce que doit manger son Excellence pour entretenir & corroborer sa santé, c’est une douzaine de cornets avec quelques légeres léches de coins, qui sont admirables pour sa poitrine, & lui feront faire une digestion congruente. Hist. de Don Quich. tom. 4, ch. 47, p. 176. Sancho, naturellement gourmand, se mit dans une furieuse colère, & chassa le Médecin.

☞ CONGRUENT se dit aussi en Géométrie, synonyme à congru. Voyez ce mot.

CONGRUISME. s. m. Doctrine de ceux qui expliquent l’efficacité de la grace par la grace congrue, comme on l’a expliqué à ce mot.

CONGRUISTE. s. m. terme dogmatique. On appelle en Théologie Congruistes, ceux qui tiennent le systême de la congruité dans les matières de la grace. Congruista.

Les Congruistes enseignent qu’il est certain & infaillible que la volonté ne résiste point à la grace qu’ils appellent congrue. Pourquoi, parce que cette grace est donnée dans le moment précis auquel Dieu a prévu que s’il la donnoit, l’homme se détermineroit à suivre cette grace, quoiqu’il eût le pouvoir parfait d’y résister. Ainsi cette certitude & cette infaillibilité du consentement de l’homme est fondée sur la prévision de Dieu, qui ne peut se tromper : cette prévision divine a pour objets la détermination de la volonté : la détermi-