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BRE

faire des choses extraordinaires. Ainsi Corneille a dit dans l’illusion comique,

Et pour gagner Paris il vendit par la plaine
Des brevets à chasser la fièvre & la migraine.

On les appelle en grec φυλακτήρια, en latin servatorium, amuletum.

BREVETAIRE. s. m. Terme de palais. Celui qui a obtenu un brevet du Roi, en matière bénéficiale, pour être pourvu du premier bénéfice qui viendra à vaquer. Regis diplomate munitus, instructus. Dans le concours d’un Indultaire & d’un Brevetaire de joyeux avénement, le grand Conseil donne la préférence à l’Indultaire, quoique sa réquisition soit postérieure à celle du Brevetaire. C’est ce qui a été jugé par plusieurs arrêts, dont il y en a un du 4 Mars 1717.

☞ BREVETER. Vieux v. a. dont Montaigne s’est servi pour abréger. Breviare. Aujourd’hui, breveter signifie accorder un brevet, donner le brevet d’un office, d’un emploi, d’une pension. Le Roi la brevete d’une pension.

BRÉVIAIRE. s. m. Office divin qu’on fait tous les jours à l’église, & que les Ecclésiastiques doivent dire chez eux, quand ils ne peuvent pas y assister. Breviarum. Le bréviaire de Rome se peut dire par-tout. Il y a des bréviaires particuliers pour chaque Diocèse, & pour chaque Ordre de Religieux. Comme avant le Concile de Trente le bréviaire n’étoit pas uniforme pour tous les Diocèses ; le Pape Pie V firt dresser un bréviaire pour l’usage universel de l’Eglise, intitulé Breviarium Reomanum ex decreto sacro-sancti Concilli Tridentini restitutum.

Le bréviaire est composé de Matines, Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres & Complies ; c’est-à-dire, de sept différentes heures, à cause de ce mot de David, Pseaume CXVIII. Septies in die laudemn dixi tibi. L’obligation de réciter l’Office que les Latins appellent bréviaire, & les Grecs l’horloge, peu-à-peu s’est réduite aux seuls Clercs & aux Bénéficiers, qui y sont obligés sous peine de péché mortel, & de restitution des fruits, à proportion de ce qu’ils en auront omis. Gos. Au XIVe siécle c’étoit un cas réservé aux Evêques que d’avoir été trois jours sans dire le bréviaire. Il y avoit des Evêques qui exigeoient des Prêtres qu’ils eussent dit non-seulement Matines, mais encore Prime, avant que de célébrer la Messe. Lobineau. Hist. de Bret. T. I, p. 847.

L’institution du bréviaire n’étant point ancienne, on y a inséré les vies des Saints telles qu’elles étoient alors, c’est-à-dire, pleines de faits qui ne sont point assez avérés. C’est pourquoi il a été nécessaire que les Papes & les Evêques les réformassent selon le décret du Concile de Trente. Les Papes Pie V, Clément VIII & Urbain VIII ont fait réformer le bréviaire Romain. Plusieurs Evêques de France ont aussi fait travailler à la réformation des bréviaires de leurs diocèses.

M. Joli, grand Chantre de Notre-Dame de Paris, dans une consultation touchant la réformation des Heures Canoniales, imprimée en 1644, prétend que l’obligation de réciter le bréviaire en particulier n’est appuyée que sur une coutume qui sert de loi, & qu’avant le Concile de Basle on n’avoit fait là-dessus aucune constitution. Il ajoute même que ce Concile n’enjoint pas expressément aux Ecclésiastiques de le réciter, mais qu’il enseigne seulement la manière de le réciter : Quæ constitutio non disertis verbis opus istud Ecclesiasticis injungit ; sed quomodo tractandum sit, exponit.

Il se fit dans le Concile de Latran tenu sous les Papes Jules II, & Léon X une constitution plus expresse, qui oblige les Ecclésiastiques jouissans de bénéfices, à réciter le bréviaire sous peine d’être privés des fruits de leurs bénéfices, & même d’être dépouillés de leurs bénéfices, si après avoir été avertis, ils ne se corrigent point. Mais quoique ce Concile de Latran porte le nom de Général, plusieurs doutent qu’il le soit, comme Bellarmin même l’a remarqué. On observera de plus, que ce Concile n’oblige point les Bénéficiers à réciter leur brévaire, lorsqu’ils ont des occupations légitimes qui les en empêchent, Legitimo impedimento cessante. M. Joly met au nombre de ces empêchemens légitimes l’étude de l’Ecriture-Sainte, ou de ce qui la regarde, par exemple, la prédication de la parole de Dieu, & plusieurs œuvres de charité qui sont commandées dans l’Evangile. Mais ce que dit M. Joli ne doit par faire croire qu’on puisse aisément se dispenser de dire le bréviaire, quand on y est obligé. Une coutume légitimement établie a force de loi, passe en loi ; ainsi, excepté dans les maladies, qui mettent dans l’impossibilité de réciter le bréviaire, ou qui en rendent la récitation très-difficile, l’obligation de le dire subsiste toujours, à moins qu’elle ne fût incompatible avec les devoirs d’une autre vertu d’un ordre supérieur. Par exemple, s’il s’agissoit d’assister une personne mourante, de lui administrer les Sacremens, de baptiser des enfans, ou des catéchumènes qui sont en danger de mort, &c. on doit préférer ces devoirs de charité à la récitation du Breviaire. Mais de croire que pour étudier simplement l’Ecriture Sainte, ou les choses qui y ont rapport, on puisse sans autre raison se dispenser de réciter le Bréviaire, c’est se tromper ; & si c’étoit là le sentiment de M. Joly, il faudroit le rejeter comme faux. On doit ajouter que l’obligation de réciter le Bréviaire est encore plus grande pour les Bénéficiers que pour les autres.

Dans un Concile tenu à Cologne en 1536, on parla fortement pour la réformation du Bréviaire, & l’on y représenta que les anciens Peres ne permettoient pas qu’on lût dans les Eglises autre chose que l’Ecriture Sainte : Hic multo jam ex tempore pio animo desideravimus repurgari Breviaria.

Le Cardinal Quignon, du titre de Sainte-Croix, avoit publié dès ce temps-là un nouveau Bréviaire Romain, d’où il avoit ôté presque tout ce qui lui paroissoit fabuleux, par l’ordre des Papes Clément VII & Paul III. Son dessein étoit, comme il le déclare lui-même dans une belle préface qui est à la tête de ce livre, qu’on lût principalement l’Ecriture Sainte pendant toute l’année, & le Pseautier entier chaque semaine. Il en retrancha le petit Office de la Vierge, les traits ou versets, les répons & plusieurs autres choses semblables que le chant a introduites dans l’Eglise. Il avoit eu égard en cela à l’instruction & à l’utilité de ceux qui récitent le Bréviaire en particulier. Il assure que les Histoires des Saints qu’il a laissées dans son Bréviaire' y sont rapportées d’une telle manière, qu’elles ne contiennent rien qui puisse choquer les personnes graves & savantes : Historiæ Sanctorunt sic conscriptæ sunt, ut nihil habeant quod graves & doctas aures offendat. Les Papes Jules III & Paul IV, auroriserent ce Bréviaire, dont il y a eu assez grand nombre d’éditions, principalement en France.

Il est vrai que cette réformation du Bréviaire Romain parut trop libre aux Docteurs de la Faculté de Théologie de Paris. Ils en firent l’an 1535, une critique en forme de censure, sous le titre de Notæ Censurariæ in Sacrum Quignonis Breviarium. Ils ne pouvoient souffrir une si grande nouveauté, parce que ce Bréviaire du Cardinal Quignon est très-différent de tous ceux qui avoient été publiés jusqu’alors. Mais nonobstant cette censure, il fut imprimé dans la suite plusieurs fois avec l’approbation des Docteurs de Sorbonne, & avec le privilège du Roi. Les Docteurs mêmes se servirent de l’autorité de ce Bréviaire en 1574, pour établir la Conception Immaculée de la Sainte Vierge contre Maldonat. Ce qui fait voir manifestement que ce Bréviaire, qui fut ensuite supprimé, étoit alors en usage, au moins parmi les Ecclésiastiques de France, qui le récitoient comme un véritable Bréviaire Romain. Il y en a au moins quatre éditions de Lyon.

Dans le Bréviaire Romain on récite le Dimanche à Matines, dix-huit Pseaumes en trois nocturnes