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CIE

seul pommé, mais qu’il s’étendoit à toutes les liqueurs qui enivrent, comme le mot hébreu, d’où il est venu. Néanmoins l’usage du cidre eut peu de cours en France dans la suite. Je crois même que notre Province ne l’a pas pris des François contemporains de Charlemagne, mais plutôt des Basques, dans le commerce que la pêche leur donnoit avec les Normans. Dans la Coutume de Bayonne & de Labour, l’on voit plusieurs titres touchant les cidres ; & les Basques l’ont appris des Afriquains, où il étoit autrefois fort commun, comme le témoignent Tertullien & S. Augustin.

Ce mot, selon quelques-uns, vient du latin sicera, ou de l’hébreu Sechar, ou enfin du bas-breton Sistre, qui signifient, dit-on, tout breuvage qui peut enivrer, soit qu’il soit fait de grains, ou de pommes, de palmes, ou d’autres fruits. D’autres le dérivent du latin Ceria, qui est expliqué à Cervoise. Il pourroit bien être ou Norman, ou Saxon, ou Danois d’origine.

CIE.

CIEL. s. m. Orbe azuré & diaphane, qui environne la terre ; région éthérée au dessus de l’élémentaire, dans laquelle se meuvent tous les astres. Cœlum. ☞ Dans l’ancienne Astronomie, le mot de ciel signifie un orbe particulier, l’espace que parcourt une planète dans toute l’étendue de son cours. Les Anciens ont admis autant de cieux solides, qu’ils ont observé de mouvemens différens : comme si cette solidité étoit nécessaire pour soûtenir les astres qui y sont attachés. Ainsi ils en ont mis sept pour les sept planètes. Le ciel, de la Lune, de Mercure, de Venus, du Soleil, de Mars, de Jupiter & de Saturne. Le huitième est pour les étoiles fixes, qui est le Firmament. Ptolomée ajouta un neuvième ciel, qu’il appela le premier mobile, ☞ lequel communiquoit le mouvement aux autres. Voy. Ptolomée. Ensuite Alphonse, Roi de Castille, ce Roi plus physicien que dévot, qui disoit qu’il auroit donné de bons avis à Dieu, s’il l’avoit appelé à son conseil, quand il créa le monde ; Alphonse, dis-je, imagina deux autres cieux de cristal, pour expliquer certaines irrégularités qu’il croyoit avoir observées dans le ciel, comme le mouvement de titubation ou de trépidation, c’est-à-dire, l’inclination de l’axe de la terre, &c. On faisoit ces cieux de cristal, afin qu’ils pussent donner passage à la lumière : on ajouta enfin un douzième ciel auquel on donna le nom d’empirée, dont on fit le séjour de Dieu. Quelques Astronomes en ont admis beaucoup d’autres, selon leurs différentes hypothèses. Eudoxes en a admis 23, Calippus 30 ; Regiomontanus 33, Aristote 47 Fracastor 78 ; comme témoigne Vitalis, après Jonston. D’ailleurs, il faut remarquer que les Astronomes ne se mettent pas fort en peine si les cieux qu’ils admettent sont réels ou non. Il leur importe peu que leurs hypothèses soient vraies, ou qu’elles ne le soient pas, pourvu seulement qu’elles servent à rendre raison de tous les mouvemens célestes, & qu’elles s’accordent avec les Phénomènes. Pour les systêmes nouveaux, voyez Descartes, Tycho, &c.

Le ciel a servi de corps à plusieurs devises. On en fit une sur le Cardinal de Richelieu, où le ciel étoit représenté ; ces mots Mens agitat molem, ou Mens sidera volvit, montroient que comme il y a une intelligence qui donne le mouvement au ciel, le génie du Cardinal Richelieu étoit l’ame de tout ce qui se faisoit dans le Royaume.

Ce mot n’est que d’une syllabe en vers, tant au pluriel qu’au singulier.

Ce mot vient du latin cœlum : quelques-uns le dérivent à cœlando, comme qui diroit gravé parce qu’il est marqué de diverses étoiles, ou opus cœlatum variis imaginibus, comme dit saint Ambroise dans son Hexaméron ; mais il vaut mieux le dériver du grec κοῖλως (koilôs), concavus, profundus. Quand nous regardons le ciel, il nous paroît comme une immense concavité, une grande voûte.

☞ On dit poëtiquement, la voûte des cieux ; pour dire, le ciel.

Ciel se prend aussi pour le paradis, le séjour de Dieu & des Bienheureux. On lui a donné le nom d’Empirée à cause de sa splendeur, du mot grec Εμπυρος (Empuros), qui est de feu, enflammé, brillant comme du feu. Dans ce sens nous disons, gagner le ciel ou le royaume des cieux. Quelques-uns un peu trop scrupuleux, ont cru qu’il valoit mieux dire le royaume de Dieu que le Royaume du ciel ou des cieux. L’Ecriture a fait ces mots synonymes. Nous disons à Dieu dans nos prières : Notre pere qui êtes dans les cieux.

☞ Les Anges rebelles furent précipités du ciel. La Vierge est la Reine du ciel.

Enfin je ne vois rien qui soit plus odieux
Que des gens que l’on voit d’une ardeur peu commune,
Par le chemin du ciel courir à leur fortune. Mol.

Ciel se prend aussi pour Dieu même, pour sa providence & pour sa justice. Ce mot est souvent employé dans l’Ecriture, Deus, cœli Deus. Le ciel est offensé, c’est-à-dire, que Dieu est offensé. Pour soûtenir l’honneur de la Religion, souvent nous nous dispensons de ses loix, & liés d’intérêts avec le ciel, nous nous imaginons que les injures que nous recevons sont les siennes. Les Tyrans ne sont que les ministres des vengeances du ciel, qui veut châtier les hommes dans sa colère. S. Evr.

De l’intérêt du ciel pourquoi vous chargez-vous ?
Pour punir le coupable a-t-il besoin de nous ? Mol.

On peut impunément, pour l’intérêt du ciel,
Etre dur, se venger, faire des injustices ;
De la dévotion c’est là l’essentiel. Des Houl.

On sait assez ce que l’on entend ici par le mot de dévotion.

Prends ton glaive & fondant sur ces audacieux,
Viens aux yeux des mortels justifier les Cieux. Boil.

Le ciel a pour nos vœux une bonté cruelle,
Il devroit être sourd aux aveugles souhaits. La Font.

On dit, graces au ciel ; pour dire graces à Dieu. Le ciel m’est témoin ; pour dire, Dieu m’est témoin. Lever les yeux au ciel ; pour dire, implorer le secours divin. Ô terre ! ô ciel ! est aussi une invocation, une admiration. C’est un coup du ciel, un effet extraordinaire de la bonté de Dieu.

On dit figurément, voir les cieux ouverts ; pour dire, avoir une grande joie, se trouver dans un grand bonheur.

On dit, les mariages sont faits au ciel ; pour dire, qu’ils sont résolus par la Providence.

On dit, en termes de l’Ecriture, un ciel d’airain ; pour dire, une grande sécheresse. Et on s’en sert aussi pour dire, un ciel inéxorable, un ciel sourd aux vœux. Acad. Fr.

Ciel, en Mithologie. Le ciel étoit une divinité particulière, que les grecs appeloient Οὔρανως (Ouranôs), Uranus, & les latins, Cœlus. Selon Platon dans son Timée, le Ciel & la Terre enfantèrent l’Océan & Thétys, & par eux tous les autres Dieux. Hésiode dit la même chose, Théog. v. 45, & 106. Le même Poëte v. 126 dit que ce fut la Terre qui mit le Ciel au monde, afin qu’il la couvrît, & qu’il fût la demeure des Dieux. Il fut aussi son mari, & ils eurent ensemble plusieurs enfans, entr’autres l’Océan, Cœus, Crius, Ypérion, Japet, Thoas, Rhéa,