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faut s’accommoder aux choses, aux temps, & à la situation des affaires où l’on se trouve engagé. On appelle barbe de chèvre, un homme qui n’a de la barbe que sous le menton, & par bouquets. On dit aussi, qu’un homme aimeroit une chèvre coëffée, lorsqu’il n’est pas difficile en amour, que toutes les femmes lui sont bonnes indifféremment. On dit, La chèvre a pris le loup, en parlant de ceux qui, pendant prendre ou tromper les autres, demeurent eux-mêmes pris. Cette expression se trouve dans un des dialogues de Lucien que d’Abalcnourt a traduit ainsi ; Voilà le proverbe arrivé, de la chèvre qui prit le loup ; & il ajoute cette remarque ; on dit aussi ce proverbe en notre langue, & l’on feint qu’une chèvre poursuivie d’un loup se sauva dans une maison déserte, dont elle ferma la porte par hazard avec ses cornes après que le loup fut entré, qui fut pris par ce moyen.

Chèvre. Constellation de l’hémisphère septentrional, composée de trois étoiles comprises entre les 45e & 55e degré de latitude nord, tout près du Cocher. L’une est de la première grandeur, & touche au 45e degré, les deux autres ne sont que de la 6e, & sont l’une au dessus de l’autre, entre le 50 & le 55e degré. Les Poëtes disent que c’est la chèvre d’Amalthée, qui nourrit Jupiter dans son enfance. On la surnommoit Olénie, Olenia, parce qu’elle avoit été nourrie dans la ville d’Olène en Bœotie ; ou parce qu’Olenus, fils d’une fille de Vulcain, la reçut entre ses bras, quand elle naquit. Quelques-uns disent que c’étoit un astre heureux ; cependant Horace l’appelle, L. III, Od. VII, v. 6, Insana Capræ Sidera. C’est, à ce que l’on croit, parce qu’elle fait des nuits froides, & que quand elle paroît, dit Pausanias, elle diminue les forces. Acosta écrit, L.V, c. 2, que les habitans du Pérou adorent la Constellation de la chèvre, qu’ils appellent Colea.

Chèvre, en Astronomie, est aussi une étoile de la première grandeur, située sur l’épaule gauche du Cocher. Capra.

☞ Les Physiciens appellent chèvre-dansante, un phénomène lumineux qui paroît quelquefois dans l’atmosphère, auquel le vent faire prendre différentes figures.

L’Île aux Chèvres. Île de l’Acadie, dans la Nouvelle-France. Capraria Acadica. Elle est au milieu du bassin du Port-Royal. Denis.

CHEVREAU. s. m. Le petit d’une chèvre, Hædus. On mange des quartiers de chevreau, aussi-bien que des quartiers d’ageau. On l’appelle autrement cabrit. Les Anciens disoient chevrel, à cause qu’ils prononçoient en el tout ce que nous prononçons en eau. Chastel, pour château, & bel pour beau. Borel dit avoir lu ces mots dans un certain Auteur ; il print un mourcel de pel de chevrel ; pour dire, il prit un morceau de peau de chevreau. Le chevreau a toujours passé pour un mêts excellent, & les Anciens en servoient dans leur plus magnifiques repas. L’Ecriture nous en fournit plusieurs exemples à l’égard des Hébreux, comme Gen. XV, 9 ; XXX, 32, 35 ; 'XXXI, 38 ; XXXII, 14 ; I Liv. des Rois, XVI, 20 ; Jug. XIII, 15, &c. Il y a peu de festins dans Athénée où les chevreaux ne se trouvent au nombre des plus excellens mêts. Voy. L. I, c. I, L. IV, c. 6, L. IX, c. 3, c. 13. Juvenal, Sat. XI, vante la bonté d’un jeune chevreau du territoire de Tivoli. En France on en mange beaucoup en quelques Provinces. Les chevreaux de Poitou sont les meilleurs ; & on les compare en bonté à ceux d’Italie, De la Mare, Tr. de la Pol. L. V, T. XXII, où il cite Nonius de Re Cibar. L. II, c. 6. La chair d’un chevreau, qui est encore sous la mere & ne s’est nourri que de lait, est excellente, & bonne pour la santé. A deux & à trois mois, les chevreaux sont bons ; on en peut manger jusqu’à six mois, mais ils sont moins bons. Cette chair est de facile digestion, nourrit beaucoup, & on l’estime très-salutaire aux personnes convalescentes, à cause de ses sucs huileux & balsamiques. Idem.

☞ Malgré tous ces éloges de la chair de chevreau, il faut convenir qu’elle est fade, humide & glaireuse, & que bien des estomacs ne s’en accommodent pas.

Le chevreau étoit la victime la plus ordinaire du Dieu Faune, & des autres Dieux champêtres.

CHÈVREFEUILLE. s. f. Caprifolium, periclymenon. Il y en a qui écrivent chèvrefeuil. Arbrisseau dont la racine est ligneuse, rampante, & donne à son collet plusieurs jets ligneux, gros comme des plumes à écrire, ronds, longs plus ou moins, suivant le terrain dans lequel il se trouve, couchés par terre, en partie sur tout, & en partie debout, lorsqu’ils ne sont pas éloignés de quelque corps auquel ils puissent s’entortiller pour se soutenir. De chaque nœud de ces jets, qui sont souvent branchus, naissant des feuilles opposées, arrondies, molles, d’un vert gai en dessus, plus pâles & un peu velues en dessous. A l’extrémité des branches sont attachées des fleurs disposées en rayons. Chaque fleur est un tuyau fermé par le bas, évasé par le haut, & découpé en deux lèvres, dont la supérieure est recoupée en quelque partie, & beaucoup plus grande ordinairement que l’inférieure, qui est taillée le plus souvent en manière de langue. Le calice qui soutient la fleur devient une baie molle, d’un rouge tirant sur le jaune, grosse comme un pois, d’un goût désagréable. Elle renferme quelques semences dures applaties, & presque ovales. Il y a plusieurs espèces de Chèvrefeuilles. Les unes ont leurs feuilles opposées & séparées ; dans quelques espèces, elles se joignent tellement par leur base, qu’il semble que la branche ne fait que les enfiles. C’est pour cela que quelques-uns l’appellent Caprifolium perfoliatum. Leurs fleurs varient par leurs couleurs, par leur odeur, & par le temps auquel elles naissent. Dans la plûpart des espèces, la couleur de la fleur est purpurine, rayée de quelques lignes blanches, qui deviennent jaunes, lorsque la fleur commence à passer. Mais dans certaines espèces, ces couleurs sont plus vives, de même que l’odeur. Il y en a aussi qui fleurissent plutôt, d’autres plus tard, & d’autres qui gardent leurs feuilles toute l’année. On cultive dans les jardins le chèvrefeuille, parce qu’il garnit des espaliers, & qu’il donne beaucoup de fleurs. On fait des palissades de chèvrefeuille, des berceaux, des cabinets de chèvrefeuilles, des buissons de chèvrefeuille. On le met dans des pots, on le taille, on l’arrondit, on lui donne diverses figures. Les fleurs du chèvrefeuille sont en usage en Médecine : elles sont un puissant diurétique, & propres pour la rate. On s’en sert aussi dans l’asthme, & dans la toux. On en fait aussi une eau distillée qui fortifie les nerfs, & facilite l’accouchement. On l’appeloit autrefois chievreboust.

CHEVRE-PIÉ. C’est une épithète que les anciens Poëtes donnoient aux Faunes & aux Satyres, à qui ils attribuoient des piés de chèvre. Capripes. Dieux Chevre-piés.

CHEVRETER. v. n. Qui s’est dit d’une chèvre qui met bas son petit. Edere, eniti. On dit aujourd’hui chevroter.

CHEVRETTE. s. f. Petite chèvre. Capreola.

Je tout malade & privé de soulas,
D’un lieu loingtain mène cy mes chevrettes,
Accompaignée d’agneaux & brebiettes. Marot.

CHEVRETTE. Petit chenet de fer qui a quatre piés, & qui n’a point de branche élevée, qui arrête le bois qu’on met dessus. Fulcrum ferreum pedibus quatuor instructum.

Chevrette est aussi un terme d’Apoticaire, qui signifie un pot de faïance avec un goulot, où l’on met les syrops. Guttus.

Chevrette, dans l’Artillerie, est une petite machine de trois piés & demi de hauteur. Elle est composée de deux pièces de bois élevées perpendiculairement & fichées sur une autre pièce de bois qui traverse

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