Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
451
CHA

& autres. Les Bouchers faisoient autrefois le débit de la chair de porc. Les Charcutiers ont depuis été dispensés d’acheter des porcs chez les Bouchers. Ils ont eu la permission d’en débiter eux-mêmes la chair crue ; mais sous les mêmes conditions que les Bouchers, c’est-à-dire, de passer l’examen des Languayeurs, des Tueurs & des Courtiers ou Visiteurs de chair. De la Mare, Traité de La Police, Liv. IV, T. V, cap. 2. Il est défendu aux Charcutiers de vendre les chairs d’aucun porc ladre. Id.

Ce qu’on appelle aujourd’hui Charcutier, ne faisoit autrefois qu’un même métier & un même corps avec ceux que l’on nomme Rotisseurs, & les mômes gens apprêtoient & vendoient la chair de porc avec toutes sortes d’autres viandes cuites, & on les nommoit Oyers. Il y a beaucoup d’apparence que ces Oyers retranchèrent de leur profession le droit des chairs de porc, & de toutes les chairs bouillies ou assaisonnées, & celui du poisson & des légumes. D’autres particuliers prirent ce qui avoit été retranché de la profession des Oyers, ou ce qu’ils en avoient eux-mêmes abandonné, & l’on en forma ensuite une autre Communauté, sous le nom de Charcutiers, par Lettres Patentes du 17 Janvier 1475. Ces Lettres, qui sont du Prévôt de Paris, contiennent les premiers statuts qui aient été donnés aux Charcutiers en dix-sept articles. On en ajoûta 8 ou 9 en 1477, en donnant entrée dans ce métier à un plus grand nombre de gens qu’on n’avoit fait deux ans auparavant : & ainsi se forma la Communauté des Charcutiers à Paris. Ces Réglemens & ces statuts se trouvent dans le Traité de la Police, de M. de la Mare, Liv. V, T. XXI, c. 5, où il traite des Charcutiers, & ils y sont appelés Chaircuitiers & Saucissiers. Ces statuts reçoivent sans apprentissage & sans chef d’œuvre ceux qui exerçoient actuellement ce métier dans Paris ; mais ils demandent pour la suite quatre ans d’apprentissage & chef d’œuvre. D’autres réglemens leur permettent d’ouvrir les Dimanches, & les obligent à remplir chacun à leur tour les quarante places de la Halle le Mercredi & le samedi. Voyez tous ces réglemens de Police dans l’endroit cité, & ch. 6.

CHARCUTIÈRE, s. f. Femme de Charcutier, ou femme qui fait le métier de charcuter. Propola coctivæ carnis, coquela carnaria.

CHARCUTIS. Vieux mot qui s’employoit autrefois en parlant d’un grand massacre, d’une grande défaite. En cette journée il se fit un horrible charcutis. Cædes.

CHARDON. s. m. Ce mot s’applique par le vulgaire à toute sorte d’herbe épineuse & piquante. Quelques ouvriers en laine appellent chardon une plante dont les têtes servent à chardonner les étoffes, d’où vient le mot de chardonner, pectere. On dit aussi d’une plante qu’elle a les feuilles de chardon, lorsqu’elles sont découpées par leurs bords en quelques segmens qui sont armés de piquans, de la même manière que les chardons ordinaires en sont fournis.

Chardon. s. m. Carduus, est parmi les Botanistes le nom propre d’un genre de plantes, dont les fleurs sont à fleurons posés sur des embryons qui deviennent des graines chargées d’une aigrette. Ces fleurons sont renfermés dans un calice qui est d’abord arrondi, & qui s’évase ensuite dans sa maturité. Il est formé par plusieurs écailles appliquées les unes sur les autres, & terminées toujours par un piquant. Cette pointe des écailles du calice sert à distinguer le chardon d’avec les cirsium & les jacées. Il y a plusieurs espèces de chardons. Les unes sont épineuses de tous côtés, & par leurs feuilles & par leurs tiges, & par leur tête ; d’autres ne le sont que par leurs feuilles & leur tête ; d’autres enfin n’ont que la tête armée de piquans. Les feuilles de chardon ne sont pas pareilles dans toutes les espèces ; : les unes les portent entières comme le chardon étoilé à feuilles de giroflée jaune. Dans d’autres, elles sont larges, plissées & coupées en segmens larges ou étroits, semblables aux feuilles d’acanthe, ou de coquelicot, de chicorée, ou de corne de cerf. Le chardon Notre-Dame, carduus marianus, sive lacteis maculis notatus, les a larges, & marquées de veines ou de taches blanches, Voyez les Instituts de Botanique de M. de Tournefort pour le dénombrement des espèces.

Chardon à Bonnetier ou à Foulon, ou Chardon à carder. Carduus Fullonum, Dipsacus. Plante dont les Bonnetiers & les Foulons de lame se servent pour carder la laine, & pour tirer les poils des draps. Sa racine est simple, blanchâtre, chargée de quelques grosses fibres, & qui donnent des feuilles longues d’un pied, & d’un pied & demi sur quatre pouces de large, vert clair, ridées, un peu velues, dentelées sur leurs bords, relevées en-dessus d’une grosse côte épineuse & plus tendre que dans les feuilles des tiges : sa tige sort seule de la même racine, & s’élève à la hauteur de quatre à cinq, & même de six pieds quelquefois, grosse comme le doigt, droite, cannelée & épineuse, garnie de feuilles opposées, & tellement jointes à leur baie qu’elles embrassent la tige qui les enfile. Ces feuilles se terminent en pointe, & sont plus petites & plus épineuses. De leurs aisselles sortent des branches opposées & divisées en deux autres branches, qui portent à leurs extrémités une tête longue de deux à trois pouces, quelquefois plus, composée de plusieurs écailles fermes & terminées en pointe, lesquelles forment comme des alvéoles aux fleurs qui sortent d’entr’elles, & qui sont des fleurons pâles légèrement lavés de pourpre ; découpées à leurs bords en quatre segmens obtus. Elles portent sur des embryons qui deviennent autant de semences oblongues, cannelées, & à quatre pans. On distingue le chardon à Bonnetier en cultivé, qui a les écailles de sa tête terminées par une pointe crochue ; & en sauvage, qui les a toutes droites. Les Cardeurs ne se servent que du cultivé. Il se rencontre quelquefois des vers dans les têtes de cette plante ; & on prétend que si on les porte sur soi, elles éloignent les maux de dents & la fièvre. L’eau qui se ramasse à la baie de ses feuilles est recommandée pour les maladies des yeux.

Chardon bénit. Cnicus silveltris hirsutior ; sive carduus benedictus C. B. Plante sudorifique fort employée en médecine ; mais comme elle n’est pas bien commune, on la cultive dans les jardins. Sa racine est blanchâtre, charnue, & divisée en quelques branches. Elle donne des feuilles découpées comme celles du laitron, gluantes & épineuses au toucher, velues, & d’entre lesquelles s’élève une tige branchue presque dès sa naissance, droite en partie, & en partie couchée sur terre, garnie de feuilles alternes, des aisselles desquelles sortent de petites branches, terminées par une tête écailleuse & épineuse remplie de fleurons jaunes découpés en cinq. Ces têtes sont grossies par quatre à cinq feuilles vertes, dentelées, & armées de piquans sur leurs bords, & à leurs extrémités. Ces feuilles forment une espèce de chapiteau qui distingue ce genre de ses semblables. Lorsque la fleur est passée, chaque embryon de graine, qui soutenoit un fleuron, devient une semence oblongue, étroite, grisâtre, & garnie d’une aigrette blanche. L’eau du chardon bénit entre dans les potions cordiales & dans les potions sudorifiques. Son sel a à peu près les mêmes usages. La décoction de toute la plante est quelquefois purgative, & fait vomir, surtout lorsqu’elle est trop chargée. Le chardon bénit mêlé avec des diurétiques, pousse par les urines au lieu de faire suer. Au défaut de chardon bénit on peut se servir de l’espèce nommée Cnicus attractilis lutea dictus. On a remarqué qu’elle avoit les mêmes propriétés.

Chardon étoilé, ou Chausse-trappe. Carduus stellatiis, sive Calcitrapa. Espèce de chardon dont la racine est grosse & longue comme celle des petits raiforts