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CAR

est en usage à Rocroy, à Mezières & autres lieux. Cette mesure est différente selon les différens lieux. Voyez le Dict. de Commerce.

CARTELADE. s. f. Mesure en longueur dont on se sert pour l’arpentage des terres dans quelques endroits de la Guienne, particulièrement à Aiguillon & à Colleigne. Il faut 36 picotins pour faire la cartelade ; chaque picotin de 12 escairs, & chaque escair de douze pieds, mesure d’Agen, qui est environ de trois lignes plus grande que le pied du Roi.

CARTELET s. m. Petite étoffe ordinairement toute de laine.

CARTELETTE. adj. f. Terme de couvreur. On appelle la plus petite ardoise, ardoise cartelette.

CARTELLE. s. f. Terme de Charpenterie, qui se dit des grosses planches ou dosses qui servent aux moulins à porter les meules, ou à faire des planchers qui sont à côté, & à d’autres usages. Materies.

Cartelle, est aussi une façon de débiter les bois qui sont recherchés ; comme les frênes & érables loupeux & nouailleux, lorsqu’on les met par petites planches de trois, quatre & cinq pouces d’épaisseur pour servir aux Ebénistes. Tessella.

CARTENIER. Voyez Quartenier.

CARTARO. s. m. De l’italien Carterio. Porte-lettre. Sorte d’étui ou de porte-feuille, dans lequel on met des lettres & des papiers, & que l’on porte dans sa poche. Le Comte de Tournon sortit, Madame (Marguerite de Valois) lui ayant donné un cartero de peau d’Espagne en broderie de perles pour Monsieur (le Duc d’Anjou,) à dessein de redoubler l’inquiétude du Duc de Guise… Madame de Ville-Dieu, Journal amoureux, Tom. 10, p. 306. Le Comte, en portant le cartero à Monsieur d’Anjou, l’ouvrit, & trouva dedans un billet cacheté, sur lequel il y avoit écrit : Pour vous, Tournon,.., p. 308.

CARTERON. Voyez Quarteron.

CARTÉSIANISME. s. m. Prononcez la seconde s. La philosophie de Descartes. Sentimens, opinions du philosophe Descartes. Cartesianismus. Secte de Philosophes modernes dont Descartes est le chef, & qui prend son nom du mot latin de son chef, Cartesius.

Le Cartésianisme a ses principes de Méthaphysique & de Physique. ☞ Le principe de Méthaphysique est, qu’il faut douter de tout d’un doute méthodique, c’est-à-dire, qu’il faut d’abord se comporter comme si tout étoit douteux. Defcartes débute ensuite par ce principe ; je pense, donc je suis : & conclut qu’il n’y a de vérités philosophiques que celles qu’on apperçoit par l’idée claire ou par le sentiment intérieur. Ce principe a été attaqué & soutenu avec beaucoup de vivacité, & avec trop de partialité de part & d’autre : car, quoiqu’il soit vrai que nous sommes assurés en même temps par le sentiment intérieur de la conscience, que nous existons, comme nous le sommes que nous pensons, il est vrai de dire que la conclusion de ce raisonnement, je suis, se tire bien de l’antécédent, je pense, puisque penser, suppose nécessairement être ou exister, & que l’esprit voit clairement la liaison nécessaire qu’il y a entre penser & être. Cependant Descartes n’a pas dû proposer son principe comme une nouvelle découverte. Avant lui on savoit que, pour penser, il faut être, & que celui qui pense actuellement, existe actuellement. Pour la Physique le principe du Cartésianisme est qu’il n’y a que des substances ; ce principe a paru dangereux, & on le combat tous les jours dans les écoles Catholiques, en prouvant, ou en voulant prouver, qu’il y a des accidens absolus. Ces substances sont de deux sortes. L’une est la substance qui pense, & l’autre la substance étendue ; la pensée actuelle ; l’étendue actuelle, sont de l’essence de la substance, tellement que la substance pensante ne peut être sans quelque pensée actuelle, & qu’on ne peut rien retrancher de l’étendue d’une chose, sans retrancher de la substance. A l’égard de la substance pensante, on ne conçoit pas comment Dieu ne pourroit pas l’empêcher de penser, en lui refusant son concours pour quelque action que ce soit, tandis qu’il lui conservera l’existence. A l’égard de la substance étendue, la foi nous apprend que le corps de Jesus-Christ ne perd rien de sa substance dans le Sacrement de l’Eucharistie, quoiqu’il y perde beaucoup de son étendue ; ainsi l’on ne peut pas dire que l’étendue est l’essence de la matière. Un autre principe du Cartésianisme, est qu’il n’y a point de vide, & qu’il n’y en peut avoir dans la nature, parce que ce vide pourroit être mesuré, il seroit étendu. Ce seroit donc de la matière, car tout ce qui est étendu est matière.

Ces principes de Physique une fois supposés, Descartes explique par les principes de la Méchanique, & par les règles du mouvement, comment le monde a été formé tel qu’il est.

MONDE DE DESCARTES.

☞ Descartes suppose une multitude de parcelles de matière, dures, cubiques ou seulement anguleuses, étroitement appliquées l’une contre l’autre, face contre face, & si bien entassées, qu’il ne se trouve pas le moindre vide entr’elles. Ensuite Dieu met toutes ces parcelles en mouvement ; il les fait tourner la plupart autour de leur propre centre, & de plus, il les pousse en ligne droite : enfin, il en fait tourner un certain nombre autour d’un centre commun. Cela supposé, vous allez voir sortir de ce chaos un monde semblable au nôtre, par l’impression seule du mouvement. D’abord de ces parcelles primordiales, inégalement mues, l’on voit sortir trois élémens, & de ces trois élémens toutes les pièces qui se perpétuent dans le monde.

☞ Premièrement les angles, les extrémités des parcelles sont inégalement rompues. La plus fine poussière qui vient de la raclure des ongles, est la matière subtile, qu’il nomme le premier élément ; les corps usés & arrondis par le frottement, sont le second élément, les globules ou la lumière ; la poussière la plus grossière, les éclats les plus massifs & les plus anguleux sont le troisième élément, ou la matière terrestre & planétaire.

☞ Tous ces élémens mis, & se faisant obstacle les uns aux autres, se contraignent réciproquement à avancer, non en ligne droite, mais en ligne circulaire, & à marcher par tourbillons, les uns autour d’un centre commun, les autres autour d’un autre. Voilà la formation des tourbillons. Tous ces élémens, en tourbillonnant ainsi, font effort pour s’éloigner du centre de leur mouvement ; ce que Descartes appelle force centrifuge.

☞ Tous ces élémens tâchant de s’éloigner du centre, les plus massifs d’entr’eux sont ceux qui s’en éloignèrent le plus. Pulvérisez un morceau de cire à cacheter ; secouez le papier sur lequel est la poussière, les morceaux qui ont plus de solidité s’approchent plus des extrémités des papiers. La poussière la plus fine reste au milieu. Ainsi l’élément globuleux sera plus éloigné du centre que la matière subtile ; & comme tout est plein, cette matière subtile se rangera en partie dans les interstices des globules, & en partie vers le centre du tourbillon. Cet amas de la plus fine poussière, qui s’est rangée au centre, est ce que Descartes appelle un soleil. Il y a de pareils amas dans d’autres tourbillons, comme dans celui-ci. Ce sont des étoiles qui brillent moins à notre égard à cause de leur éloignement prodigieux.

☞ Les globules qui ont plus de force centrifuge que la matière subtile à cause de leur solidité, s’écartent le plus vers les extrémités du tourbillon. La poussière qui compose le Soleil, qui est dans une agitation étonnante, communique son mouvement