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tient plus qu’aux seuls Cardinaux de l’Eglise Romaine ; cependant ils ne prirent pas d’abord le pas au-dessus des Evêques, & ne furent pas les maîtres de l’élection du Pape. Mais depuis ils s’emparèrent de ces privilèges. Innocent IV leur donna le chapeau rouge, & Boniface VIII la pourpre, ensorte que croissant toujours en grandeur, ils le sont enfin élevés au-dessus des Evêques par la seule dignité de Cardinal, quoi qu’elle ne soit que d’institution Ecclésiastique. Maimb. M. Félibien dit que ce fut Paul II, qui leur donna la robe rouge, avec cette espèce de cape qu’ils mettent par dessous leurs chapeaux dans les cavalcades. D’autres disent que le premier qui ait porte la pourpre est Prélage, qu’Innocent III envoya à Constantinople en 1213, qu’elle ne fut cependant commune à tous que sous Innocent IV, & que Paul II, en 1464 régla que dans les cérémonies où ils paroissent à cheval, ils en auroient un blanc, dont la bride seroit dorée. Platina dit que l’élévation & la grandeur des Cardinaux a commencé sous Boniface IX.

Le titre de Cardinal s’introduisit par la corruption de la langue latine. On usa de ce mot pour signifier, premier, ou grand. On l’appliqua ensuite en particulier à ceux qui étoient préposés pour le gouvernement d’une Paroisse, ou d’une Eglise : & cela pour les distinguer des autres Prêtres volans, qui n’avoient ni titre, ni Eglise. En France, où le nom de Cardinal n’étoit pas si commun, on appeloit les Prêtres titulaires, des Curés, Presbyteros Parochiales. Les Evêques étoient toujours au-dessus d’eux. Pasq. A Rome les Prêtres qui régissoient les Eglises Paroissiales conservèrent plus spécialement le nom de Cardinaux, & il passa aussi aux sept Diacres de l’Eglise de Rome, qui se l’attribuèrent par distinction. Du Cange dit qu’originairement il y avoit trois sortes d’Eglises ; que les vraies Eglises s’appeloient proprement Paroisses, les secondes Diaconies, qui étoient des Chapelles jointes à des Hôpitaux desservis par des Diacres. Les troisièmes étoient de simples Oratoires, où l’on disoit des Messes particulières, qui étoient desservies par des Chapelains locaux & résidens ; & que pour distinguer les Eglises principales ou les Paroisses, des Chapelles ou des Oratoires, on leur donna le nom de Cardinales. Les Eglises Paroissiales servoient de titres aux Diacres, qui s’appelèrent aussi Cardinaux, ou principaux. Il y a eu en plusieurs lieux des Curés à qui on a donné le titre de Prêtres Cardinaux, ou principaux. Voyez Du Gange, qui a fait un dénombrement des titres des Cardinaux & des Eglises Patriarchales qui en dépendoient. On a donné aussi ce titre à quelques Evêques, comme à celui de Maïence & de Milan. L’Abbé de Vendôme s’appelle aussi Cardinal né, & porte le chapeau rouge dans ses armes. Ceux qui en ont écrit sont Onuphrius, Duaren, Ciaconjus, Durandus & François Frison dans son livre de Galliâ purpuratâ. Bellarmin, Contr. T. II, de Memor. Eccl. L. I, de Cleric. c. 16, de Cardinal. Le Traité de l’origine des Cardinaux ; Du Cange, Gloss. Aubery a fait l’Histoire générale des Cardinaux en 5 vol. in-4o.

On appeloit Cardinaux non seulement les Prêtres, mais les Evêques, les Prêtres & les Diacres titulaires & attachés à une certaine Eglise ; à la différence de ceux qui ne les servoient qu’en passant & par commission. Les Eglises titulaires, ou les titres, étoient des espèces de paroisses, c’est-à-dire, des Eglises attribués chacune à un Prêtre Cardinal, avec un quartier fixe & déterminé qui en dépendoir, & des fonts pour administrer le Baptême dans le cas où il ne pouvoit pas être administré par l’Evêque. Ces Prêtres & ces Diacres Cardinaux n’avoient le pas dans ces temps-là qu’après les Evêques. C’est pour cela que dans les Conciles, par exemple, dans celui de Rome tenu l’an 868, ils ne souscrivent qu’après les Evêques.

Ce n’étoit pas seulement à Rome qu’ils portoient ce nom. On trouve des Prêtres Cardinaux en France. Le titre par lequel Thibaud, Evêque de Soissons, confirme la fondation de l’Abbaye de S. Jean des Vignes, appelle le Curé de la Paroisse, le Prêtre Cardinal du lieu, & le Roi Philippe I, confirmant la même fondation, lui donne le même titre Presbyter Cardinalis ipsius loci.. Adrien II appelle l’Archevêque de Bourges, Cardinal, & Jean VIII appelle l’Eglise de Bourges, Eglise Cardinale, comme l’a remarqué M. Catherinot dans son Patriarchat de Bourges. Enfin dans quelques Epitres de S. Grégoire, & d’Adrien II. Cardinalis Sacerdos se prend pour Episcopus, Evêque.

Cardinal, s’est dit aussi des dignités & offices séculiers. Les principaux Officiers de la Cour de Théodose font aussi appelés Cardinaux. Et Cassiodore, L. VII. Form 31, fait mention du Prince Cardinal de la ville de Rome. On trouve parmi les Officiers du Duc de Bretagne en 1447, un Raoul de Thorel Cardinal de Quillart Chancelier, & serviteur du Vicomte de Rohan, ce qui montre que c’étoit un office assez bas. Voyez Lobineau, T. II, p. 1115.

On a aussi appelé Messe Cardinale, & Autel Cardinal, la Messe solemnelle, & l’Autel principal, ou le grand Autel d’une Eglise.

Cardinal. s. m. Oiseau d’Amérique, ainsi nommé à cause de la couleur de son plumage, & d’un petit capuchon qu’il a derrière la tête. Il est de la grosseur d’un petit Perroquet. Il a le bec fort & noir.

On a appelé autrefois Cardinales, de grosses pièces d’artillerie qui ne sont plus en usage ; & des pommes à la Cardinale, des pommes d’api, parce qu’elles sont rouges.

Cardinal. s. m. Les Tondeurs de draps appellent ainsi une carde à carder la laine, garnie ou remplie de bourre tontisse jusqu’à l’extrémité des pointes, dont ils se fervent pour coucher le poil ou la laine, sur la superficie des étoffes, après qu’ils les ont tondues à la fin, c’est-à-dire, en dernier, ou pour la dernière fois.

CARDINALAT. s. m. La dignité de Cardinal. Cardinalitia dignitas, Cardinalatus. Promotion au Cardinalat.

Vous savez ce que signifioit autrefois Presbyter Cardinalis, ou Presbyter Principalis ; & comment le Cardinalat s’est enflé peu à peu. Misson, lettre 22.

CARDINALE. s. f. Rapuncium coccineum. Flos Cardinalis Barberini. Plante qui a pris son nom de la couleur de ses fleurs, qui est d’un rouge couleur de feu approchant de la pourpre, dont sont couverts les Cardinaux. Sa racine est vivace, longue, rampante par ses côtés & vers son collet, blanche, fibreuse & douceâtre au goût avec un peu d’âcreté. De son collet naissent plusieurs feuilles couchées sur terre, longues comme le doigt, de demi-pouce de largeur au plus, dentelées sur leurs bords, lisses, d’un vert brun en-dessus. Du milieu de ces feuilles partent une ou plusieurs tiges suivant l’âge & la force de la plante ; elles viennent hautes d’un pied & demi environ en France, grosses comme une plume à écrire, quelquefois branchues, anguleuses, d’un vert pâle, & chargées de feuilles un peu plus petites & plus étroites que celles du bas, & courbées en bas. Depuis le milieu, celles qui approchent le plus l’extrémité des tiges sont plus courtes & moins fréquentes. Ses fleurs occupent le haut des tiges & des branches ; elles y sont disposées en forme d’épi. Chaque fleur est un tuyau alongé, rouge, évasé, & découpé sur le haut en cinq parties oblongues, d’une couleur de feu très-vive, & disposées en main ouverte. Le milieu de ce tuyau est occupé par une graine rouge, étroite, courbée, terminée par de petits sommets bleuâtres ou violets, & enfilée par le pistil qui s’élève du milieu d’un calice vert découpé en cinq parties longues, étroites ; ce calice devient ensuite un fruit verdâtre, relevé de trois côtés, & divisé en trois loges, qui renferment des semences fort menues & jaunâtres. Toute la plante

donne