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teur, présidoit aux parties nobles & aux parties vitales de l’homme, au cœur, au foie, & à tous les intestins, dont elle procuroit la santé ; & parce que Brutus, ajoute-t-il, par le moyen du cœur, par le secret du cœur, & la dissimulation, passoit pour un homme utile au changement, & à la réformation de l’Etat, il bâtit un temple à cette Déesse. Il avoit dit auparavant que le même Brutus, le premier jour de Juin, revenant victorieux, après avoir chassé Tarquin, fit un sacrifice à la Déesse Carna sur le mont Cœlius. Vivès sur S. Aug. De Civit. Dei, L. IV, c. 8. Vigenere sur Tite-Live, T. I, p. 660 & 1166. Rosinus dans ses Antiq. Rom. Liv. II, ch. 19, & tout les autres que j’ai pu voir, la confondent avec la Carna dont parle Ovide, ou la Cardea comme l’appelle S. Augustin, De Civit. Dei, L. IV, c. 8, c’est-à-dire, avec la Déesse des gonds. Cependant Macrobe, qui marque avec soin toutes les fonctions de la Déesse, dont il parle, ne dit pas un mot de celle de présider aux gonds. D’ailleurs le soin de conserver les entrailles de l’homme, & celui de veiller aux gonds des portes, sont si différens, qu’ils ne conviennent nullement à la même Divinité. On avoit tant de soin de ne point trop accabler les Dieux de travaux & de soins, & de les multiplier, à chaque occupation différente que l’on concevoit dans le détail du gouvernement du monde, que je ne puis croire qu’on ait chargé la même Déesse de ces deux emplois. J’aime donc mieux en faire deux Divinités, dire qu’il y a une faute dans Macrobe, qu’il faut lire Carda, ou Cardis, au lieu de Carna ; que ce nom venoit du grec ϰαρδία (kardia), le cœur, & qu’il lui fut donné parce qu’elle avoit le soin du cœur, & des entrailles, dont il est la plus noble partie ; & qu’enfin, outre la fonction de cette Déesse, l’allusion que fait Macrobe, ou qu’il raporte qu’on fit au cœur de Brutus, exige cette correction. Voyez les Auteurs cités.

☞ CARDAILLAC. Voyez Cardillac.

☞ CARDAIRE. s. f. Poisson de mer, espèce de raie. Raia spinosa. Il est hérissé d’aiguillons, à peu près comme les cardes dont on se sert pour carder la laine. C’est pourquoi on lui a donné le nom de Cardaire.

CARDAMINE. s. f. Cardamine. Plante qui vient ordinairement dans les prés humides, & dont les fleurs sont en croix. Sa racine est vivace, épaisse de quelques lignes à son corps, blanche, fibreuse, chevelue, & qui donne des feuilles aîlées, couchées par terre ; c’est-à-dire, découpées, en plusieurs globes, arrondies ordinairement, disposées par paires : elles sont vertes, & un peu velues en dessus, plus glabres en dessus, d’un goût piquant & âcre. Les tiges qui partent de leur centre sont droites, menues, minces, rondes, hautes d’un pied environ, quelquefois plus, d’autres fois moins ; chargées alternativement & par intervalles de quelques feuilles ailées comme celles du bas, mais plus étroites, plus découpées sur leurs bords & plus inégales. Ces tiges sont rarement branchues ; elles portent à leurs sommets plusieurs fleurs composées de quatre pétales blanchâtres ou purpurines, à peu près pareilles à celles de la juliane. À ces fleurs succèdent des siliques formées par le pistil, & qui sont longues de deux pouces environ, fort étroites, un peu aplaties, d’un pourpre foncé en dehors, divisées en deux loges par une cloison mitoyenne, & renfermant deux rangs de petites semences longuettes, & d’un vert jaunâtre. Les deux panneaux qui forment la silique se roulent en volute par une espèce de ressort, ce qui fait répandre & écarter la semence avec impétuosité. Il y a plusieurs espèces de Cardamine ; celle-ci est la plus commune, & se nomme Carpratensis, magno flore, Inst. R. herb. Son goût, qui approche de celui du cresson, lui a fait donner le nom de Cardamine, qui signifie la même chose que Nasturtium. Comme cette plante est âcre & piquante au goût, de même que le cresson, elle peut lui être substituée.

Ce mot vient du grec ϰαρδαμίνη (kardaminê), qui signifie la même chose.

CARDAMOME. s. m. Graine médecinale & fort aromatique, contenue dans des gousses qui nous viennent des Indes orientales & de l’Arabie. Cardamomum. On en fait ordinairement de trois sortes, le grand, le moyen & le petit. Le grand cardamome a une gousse faite en sorte de figue, & qui est plus grande que celle des autres espèces ; mais il est semblable tant pour le goût, l’odeur, la couleur, la forme de ses grains, que pour la couleur & la substance de sa gousse. Le cardamome moyen a sa gousse moindre que celle du précédent. Elle est triangulaire, assez longue, & pleine de semence de couleur de pourpre, âcre & mordante. La gousse du petit cardamome est encore plus petite que celle du moyen : elle a aussi la forme triangulaire, & ses grains sont aussi de couleur de pourpre, anguleux, d’un goût âcre & mordicant, & d’une odeur forte & pénétrante. On appelle la première sorte de cardamome, maleguete ou malegete, parce qu’il ressemble au millet d’Inde, qu’on appelle en Italie malegua. On la nomme aussi graine de Paradis, parce qu’elle est fort odorante, & d’un goût âcre & amer. Le petit cardamome surpasse les autres en goût, en odeur, & en propriétés. C’est celui qui entre dans le thériaque. Les cardamomes échauffent & dessèchent : ils fortifient les parties nobles, dissipent les vents, & aident à la coction. On s’en sert dans les maladies du cerveau, de l’estomac & de la matrice.

CARDAMOURI. s. m. Drogue dont il est parlé dans le Tarif de Lyon de 1699.

CARDASSE. s. f. Opunita, ficus indica. Figuier d’Inde, ou Raquette, plante grasse, qui a pris son nom d’une ville de la Grèce ; si l’on en croit Théophraste & Pline, qui avertissent que ses feuilles prennent racines mises en terre ; ses racines sont fibreuses, blanchâtres & naissent du corps même de la tige, qui a la figure d’une feuille aplatie ; longue d’un pied plus ou moins, suivant son âge, & large de quatre à cinq pouces, garnie des quelques toupets d’épines également distans les uns des autres. Elle est verte, charnue, pleine de suc & ligneuse dans son centre : lorsqu’elle est vieille, elle se ramifie, donne des branches pareilles qui naissent toutes ordinairement de leur marge, en sorte que c’est une tige branchue, articulée & aplatie. La cochenille se nourrit sur cette plante. La grandeur, la hauteur & la multitude de ses branches, appelées improprement feuilles, varie suivant l’âge de la plante, la bonté du terrain & la nature du pays ; car cette plante craint fort le froid. Les extrémités de ses branches dans les pays chauds poussent plusieurs fleurs à plusieurs pétales purpurines ou jaunâtres, disposées en rose, garnies dans leur centre de beaucoup d’étamines : ces fleurs sont portées sur des embryons qui ont en quelque manière la figure d’une figue, & qui en mûrissant deviennent des fruits alongés, d’un pouce environ de diamètre, sur deux pouces & demi de longueur, rouges en dehors, succulens, mucilagineux, rougeâtres en dedans, & renferment des semences noires, enveloppées d’une coiffe charnue, rougeâtre. Les Espagnols lui ont donné le nom de figuier d’enfer, parce qu’ayant mangé de ses fruits, & voyant leurs urines rouges, ils crurent d’abord qu’ils pissoient le sang. Cette plante se trouve en Sicile & en Italie : ses feuilles servent à désaltérer les animaux qui ne trouvent pas de l’eau dans les déserts d’Amérique, où ces sortes de plantes grasses naissent. On appelle cette plante Opuntia vulgò harbariorum ; parce c’est l’espèce la plus connue & la plus commune en Europe. Aujourd’hui on en cultive plusieurs autres espèces, qui diffèrent de celle-ci par leur petitesse, ou par la longueur & la force de leurs épines. Opuntia major, validis aculeis munita, Opuntia