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CAF

fourchu qui enfile la fleur. Ce jeune fruit est terminé par un petit nombril, & devient de la grosseur d’un Bigarreau moyen, vert clair d’abord, puis rougeârre, ensuite d’un beau rouge, & enfin rouge obscur dans sa parfaite maturité. La chair de ce fruit est mince, blanchâtre, glaireuse, & d’un goût assez fade. Ce goût se change en celui de nos petits pruneaux, lorsque cette chair est desséchée. Cette chair sert d’enveloppe commune a deux coques minces, dures cependant, étroitement unies, &c qui gardent la figure de la semence qu’elles contiennent, qui est ovale, plate d’un côté, & creusée de ce même côté, & dans son milieu par un sillon assez profond, arrondie & voûtée du côté opposé. Si une de ces deux semence vient à avorter, celle qui restera, occupera tout le fruit, qui pour lors n’aura qu’une loge. Cette semence, quoique dure & de substance comme de corne, veut être mise en terre aussi-tôt qu’elle est mûre, autrement elle a peine à germer, &c ne sauroit profiter. Cette observation, qui est très-certaine, disculpe les habitans du Royaume d’Iémen, où cet arbre se cultive, de la malice qu’on leur imputoit, de tremper dans l’eau bouillante, ou de passer au four tout le café qu’ils vendent aux étrangers, dans la crainte de perdre un revenu très-considérable que leur produit sa culture. On assure qu’ils en débitent pour plus de cinq millions d’argent chaque année, ce qu’on n’a pas peine à croire, lorsqu’on fait attention à la grande consommation qui s’en fait en Turquie & en Europe. Comme il n’y a point d’hiver dans le Royaume d’Iémen, on est obligé en Europe de conserver le Cafier dans des serres où l’on fait du feu pour y entretenir une chaleur douce. Cet arbre porte beaucoup de fruits, lorsqu’il est jeune. Les Hollandois ont à Batavia des Cafiers qui ont près de 40 pieds de haut, & à Amsterdam ils en ont qui ont déjà 13 à 14 pieds. M. Pancras, Bourguemestre, Régent de la ville d’Amsterdam, envoya au Roi en 1714. un Cafier haut de cinq pieds, qui donna dans la même année des fleurs & des fruits. Prosp. Alp. Commelin, Dufour, Gallant, & Transactions Philos. d’Angleterre. Bligni, Malp.

M. De Jussieu a fait le mot de Cafier pour signifier cet arbre ; mais communément on dit café. Arbre de café, ou à café. Les Malouins ont fait au commencement de ce siècle deux voyages à Moka, pour en apporter du café. Au second voyage, quelques-uns furent députés à la Cour du Roi d’Iémen, à Mouab. On a donné une Relation de ces deux voyages en 1616. à la fin de laquelle on a joint un mémoire concernant l’arbre & le fruit du Café, dressé sur les Observations de ceux qui ont fait le dernier voyage. Voici un précis de ce qu’ils en disent. L’arbre qui produit le café s’éleve depuis 6, jusqu’à 12 pieds de hauteur ; sa grosseur est de dix, douze, jusqu’à quinze pouces de circonférence. Quand il a atteint son état de perfection, il ressemble fort pour la figure à un de nos pommiers de 8 à 10 années. Les branches inférieures se courbent ordinairement, quand cet arbre est un peu âgé, & en même-temps s’étendent en rond, formant une manière de parasol. Le bois en est fort tendre, & si pliant, que le bout de sa plus longue branche peut être amené jusqu’à deux à trois pieds de terre. Son écorce est blanchâtre, & un peu raboteuse. Sa feuille approche fort de celle du Citronier, quoiqu’elle ne soit pas tout-à-fait si pointue, ni si épaisse ; la couleur en est aussi d’un vert un peu plus foncé. L’arbre du café est toujours vert, & ne se dépouille jamais de toutes ses feuilles à la fois : elles sont rangées des deux côtés des rameaux, à une médiocre distance, & presque à l’opposite l’une de l’autre.

Presque dans toutes les saisons de l’année, on voit un même arbre porter des fleurs & des fruits, dont les uns font encore verts, & les autres mûrs ou près de leur maturité. Ses fleurs sont blanches, &. ressemblent beaucoup à celles du jasmin, ayant de même cinq petites feuilles assez courtes ; l’odeur en est agréable, & a quelque chose de balsamique, quoique le goût en soit amer. Elles naissent dans la jonction des queues des feuilles avec les branches.

Quand la fleur est tombée, il reste en sa place, ou plutôt il naît de chaque fleur, un petit fruit fort vert d’abord, qui devient rouge en mûrissant, & est fait à peu près comme une grosse cerise. Il est fort bon à manger, nourrit & rafraîchit beaucoup. Sous la chair de cette cerise, on trouve au lieu de noyau, la fève ou la graine que nous appelons café, envelopée d’une pellicule très-fine. Cette fève est alors extrêmement tendre, & son goût est assez désagréable ; mais à mesure que cette cerise mûrit, la fève qui est dedans, acquiert peu à peu de la dureté, & enfin le soleil ayant tout-à-fait desséché ce fruit rouge, sa chair que l’on mangeoit auparavant, devient une baie, ou gousse de couleur fort brune, qui fait la première écorce, ou l’écorce extérieure du café, & la fève est alors solide, & d’un vert fort clair : elle nage dans une espèce de liqueur épaisse, de couleur brune, & extrêmement amère. La gousse qui est attachée à l’arbre par une petite queue fort courte, est un peu plus grosse qu’une graine de laurier, & chaque gousse ne contient qu’une seule fève, laquelle se divise ordinairement en deux moitiés.

Cette fève est entourée immédiatement, comme nous l’avons dit, d’une pellicule fort fine, qui en est comme la seconde écorce, ou l’écorce intérieure. Les Arabes font beaucoup de cas de l’une & de l’autre, pour composer ce qu’ils appellent leur café à la Sultane.

Les arbres de Café viennent de semaille & non pas de hergne, ou de bouture, comme quelques-uns l’ont dit, par les gousses, c’est-à-dire, le fruit entier, & dans sa parfaite maturité, mis en terre, dont on élève ensuite les plans en pepinière, pour les replanter où l’on veut.

Le pied des montagnes, & les petites collines, dans les cantons les plus ombragés, & les plus humides, sont les lieux destinés aux plantations des cafés. Leur plus grande culture consiste à détourner les eaux de sources, & les petits ruisseaux, qui sont dans les montagnes, & à conduire ces eaux par petites rigoles, jusqu’au tour du pied des arbres ; car il faut nécessairement qu’ils soient arrosés & bien humectés pour fructifier, & pour porter leur fruit à maturité. C’est pour cela qu’en replantant le café, les Arabes font une fosse de trois pieds de large & de cinq pieds de profondeur, qu’ils revêtissent de cailloux, afin que l’eau ait plus de facilité à entrer bien avant dans la terre, dont cette fosse est remplie, & y entretienne la fraîcheur convenable. Cependant quand ils voient sur l’arbre beaucoup de café mûr, ils détournent l’eau de son pied, afin que le fruit sèche un peu sur les branches, ce que la trop grande humidité pourroit empêcher. Dans les lieux exposés au midi, ou qui sont trop découverts, ces arbres se trouvent plantés sous d’autres grands arbres, qui sont une espèce de peupliers, qui leur fervent d’abri, & les mettent à couvert de l’ardeur excessive du soleil. Sans cet ombrage qui entretient la fraîcheur dessous, la fleur du café seroit bientôt brûlée, & ne produiroit jamais aucun fruit. Dans les lieux moins chauds, ils sont à découvert, viennent & rapportent à merveille sans le secours de ces grands arbres qu’on n’y voit point. En quelques endroits, comme sur la route de Moka à Mouab, & dans le canton de Redia, les cafés sont plantés par ordre & en alignement à une même distance l’un de l’autre.

A l’égard de la récolte du café, comme l’arbre qui le porte, est chargé tout à la fois de fleurs, de fruits imparfaits & de fruits mûrs, c’est une nécessité qu’elle soit faite en trois tems différens ; & à cet égard on peut dire qu’il y a trois saisons dans l’année propres à la cueillette du café ; mais