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BUL

sortes de bénéfices. Mais en France on n’a que de simples signatures en papier, à la réserve des Evêchés, Abbayes, Dignités & Prieurés conventuels. La bulle est la troisième sorte de rescrit Apostolique, qui est le plus en usage, tant pour les affaires de justice, que pour les affaires de grace : elle est écrite sur parchemin, à la différence de la signature qui est écrite en papier. La bulle est proprement une signature étendue, & ce qu’elle contient en peu de paroles la bulle l’étend ; néanmoins elle ne doit pas être, quoiqu’étendue, plus ample que la signature, si ce n’est pour les clauses qu’on a coutume d’étendre selon le style. La bulle, en la forme qu’elle doit être expédiée, se divise en quatre parties, qui sont la narration du fait, la conception, les clauses & la date. Dans la salutation le Pape prend la qualité d’Evêque serviteur des serviteurs de Dieu. N. Episcopus servus servorum Dei. Auboux.

La bulle n’est proprement que le sceau & le plomb pendant qui donne son nom au titre, parce qu’il lui donne son autorité ; & généralement tout rescrit où il y a plomb pendant s’appelle bulle. Ce plomb représente d’un côté les têtes de S. Pierre à droite, & de S. Paul à gauche ; de l’autre côté est écrit le nom du Pape regnant, & l’en de son Pontificat. Auboux. Jean Ciampini, Référendaires des deux signatures, remarque, dans son Traité du Vice-Chancelier de l’Eglise Romaine, que les bulles sont écrites d’un caractère qui ressemble aux caractères françois, c’est-à-dire, d’un caractère rond ou gothique, & que cet usage s’établit lorsque les Papes tenoient leur siége à Avignon ; que les brefs au contraire, dont l’origine est bien après celle des bulles, sont écrits d’un caractère italique.

☞ La différence essentielle qu’il y a entre les bulles & les brefs ou autres rescrits apostoliques, est que ces derniers ne sont scellés qu’en cire, avec ce qu’on appelle l’anneau du pécheur, ou simplement signés par un Cardinal dataire, ou par un Secrétaire des brefs.

Les bénéfices dont le revenu excède vint-quatre ducats ne sont possédés que sur des provisions qui s’expédient par bulles, & non pas par simples signatures, suivant une règle de la Chancellerie. La France n’a point voulu se soumettre à cette règle, & à l’exception des bénéfices qui sont taxés dans les livres de la Chambre Apostolique, elle s’est conservée dans le droit de n’exprimer le revenu du bénéfice qu’on impétre, qu’en général, en cette manière. Cujus & illi forsan annexeorum fructus 24 ducatorum auri de camera, secundùm communem æstimationem, valorem, annuum non excedunt. Les bénéfices à l’égard desquels on est obligé de lever à Rome des bulles sont. 1°. Tous les bénéfices qui se trouvent taxés aux livres de la Chambre Apostolique, comme Evêchés, Abbayes, quelques Prieurés conventuels. 2°. Les premières dignités des Eglises Cathédrales, qui s’expriment ainsi, Dignitas post pontificalem major. 3°. Les principales dignités des Eglises Collégiales. 4°. Enfin les monastères de filles. Ce n’est pas que dans le cas où l’on demande des Bulles à Rome, les suppliques ou signatures simples ne fussent reçues en France ; mais les Officiers de la Cour de Rome sont si attentifs, qu’ils ne relâchent jamais les suppliques, que les Bulles n’aient été expédiées. Castel.

Quand le Pape est mort on n’expédie plus de Bulles, durant la vacance du siège jusqu’à l’élection du successeur ; ainsi, pour prévenir les abus qui pourroient se glisser aussi-tôt que le Pape est mort, le Vice-Chancelier de la sainte Eglise Romaine va prendre le sceau des Bulles, puis il fait rompre en présence de plusieurs personnes le nom du Pape qui vient de mourir ; il couvre d’un linge le côté om sont les têtes de S. Pierre & de S. Paul, il y met son sceau, & donne ce sceau des Bulles ainsi enveloppé au Camérier pour le garder, afin qu’on n’en puisse sceller aucunes lettres. Ordre des Rits Ecclés.

On dérive ce mot Bulle de bullare, qui signifie cacheter des lettres ; ou de bulla, qui signifie aussi ampoulle, ou vessie qui se forme sur l’eau quand l’air en veut sortir. Un vieux glossaire manuscrit cité par le P. Rosweid, p. 1019, dit Bullæ cerà sigillatæ. Bulles, c’est-à-dire, cires marqués d’un sceau, & bullare, sigillare, buller, c’est sceller. Les Grecs récens ont aussi dit βούλλα, & βουλλίνειν, & βουλονειν. Voyez le Glossaire qui est à la tête de Nicétas de l’édition du Louvre. D’autres le dérivent du grec βουλὴ, qui signifie, conseil, parce qu’il faut délibérer avant que d’en donner les expéditions. Le P. Pezron prétend qu’il est tiré du Celte buill, & bul, qui signifie une boule, une bouteilles ronde qui se forme sur l’eau ; mais où a-t-il trouvé que buil, ou bul, fut un mot celtique qui eût ce sens ?

La Bulle in Cœna Domini, est une Bulle qu’on lit tous les ans le Jeudi-Saint à Rome en présence du Pape, & qui contient plusieurs excommunications contre les Hérétiques, les désobéissans au S. Siège, ceux qui troublent, ou qui veulent restreindre la Juridiction Ecclésiastique, & plusieurs cas réservés. On la trouve dans la Pratique Bénéficiaire de Rebuffe. Elle n’est pas reçue en France. Le Concile de Tours, en 1510 déclara cette Bulle insoutenable, en ce qui concerne les droits du Roi & les libertés de l’Eglise Gallicane. En 1580 quelques Evêques, pendant le temps des vacations, tâcherent de faire recevoir dans leurs Diocèses la Bulle in Cœnâ Domini, laquelle excommunie entre-autres les Magistrats, les Conseillers & Procureurs-Généraux, qui maintiennent la juridiction des Princes, contre celle des Ecclésiastiques. Le Procureur-Général s’en étant plaint, le Parlement ordonna que tous les Archevêques & Evêques qui auroient reçu cette Bulle, & ne l’auroient pas publiée, eussent à envoyer à la Cour ; que ceux qui l’auroient fait publier fussent ajournés, & cependant leur revenu saisi ; & que quiconque s’opposeroit à cet arrêt, fut réputé rébelle & criminel de lèze-majesté.

Fulminer des Bulles, c’est en faire la publication ou vérification par l’un des trois Commissaires auxquels elles sont adressées, soit qu’il soit Evêque, soit qu’il soit Official. On s’oppose quelquefois à la publication des Bulles, ou des Rescrits du Pape. Mais quand il s’y trouve de l’abus, l’on a pour lui le respect de n’appeler pas directement de la concession de la Bulle ; on interjette simplement appel comme d’abus de l’exécution ou fulmination de la Bulle. C’est un expédient pour ne point choquer le Pape, en ne se plaignant que de la procédure, & de la partie qui a obtenu la Bulle. Cependant il y a des cas importans, dans lesquels on appeleroit sans détout comme d’abus de la Bulle du Pape ; par exemple s’il prononçoit l’excommunication contre la personne du Roi ; s’il entreprenoit sur le temporel du Royaume ; s’il disposoit des bénéfices dont la nomination appartient au Roi par le Concordat, &c. Voyez le Traité de l’abus par Fevret.

Les Bulles qui viennent de Rome en France sont limitées & modérées selon les usages du Royaume, avant que de les enregistrer. On n’y reçoit aucunes, qu’après avoir bien examiné si elles ne contiennent rien qui soit contraire aux libertés de l’Eglise Gallicane. Il suffit en France que ces mots, proprio motu, c’est-à-dire, de notre propre mouvement, se trouvent dans une Bulle, pour la rejeter toute entière. Les Espagnols ne reçoivent point non plus aveuglément les Bulles des Papes. Elles sont examinées dans le Conseil du Roi ; & si l’on trouve qu’il y ait des raisons pour ne les pas mettre en exécution, l’on en donne avis au S. Pere par une Supplique ; & par ce moyen ces Bulles demeurent sans effet. Cette manière d’agir avec Rome est établie dans la plupart des Etats & des Royaumes. On en trouve plusieurs exemples dans un livre imprimé à Liége, qui a pour titre, Jus Belgarum circa Bullarum Pontificialium receptionem, c’est-à-dire, le droit des Flamans à l’égard de la réception des Bulles du Pape.

Les Bollandistes ont fait plusieurs remarques cu-