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de la couleur du bitume. Peut-être aussi qu’Hésychius s’est trompé, & qu’il a confondu ces deux mots à cause de leur proximité ; ou plutôt parce qu’on appeloit mer-Rouge toutes les mers du côté de l’Arabie, l’Océan, le détroit Arabique, le détroit Persique, comme nous l’avons dit au mot Détroit Arabique : il a appelé du même nom ce grand lac de l’Arabie, qu’il a regardé comme une partie de la mer-Rouge, & peut-être comme y ayant sa source & en sortant. Nos Dictionnaires disent Asphaltide. S’il étoit reçu, nous le dirions aussi, mais n’y ayant point d’usage sur ce mot, itous croyons qu’il faut suivre le grec & le latin, & dire Asphaltite.

ASPHAR. Lac de la Terre-Sainte. Asphar. Il étoit dans la tribu de Juda, entre Gabaa & Janoé, près du désert de Thecua ; ☞ c’est apparemment la même chose que le lac Asphaltite. Il est dit dans le premier Livre des Machabées, que Jonathas & Simon se retirèrent dans le désert de Thecua, près du lac d’Asphar. Or on ne connoit point d’autre lac aux environs de Thecua que celui qui est nommé Asphaltite. Les Vocabulistes prononcent hardiment que c’est le même lac. Leurs décisions sont quelquefois hasardées.

ASPHODÉLE, ou ASFODÉLE. s. f. Asphodelus. On disoit autrefois asfrodille. Plante dont les racines sont en bottes, c’est-à-dire, composées de plusieurs navets ramassés à leur collet en une botte, d’où partent plusieurs feuilles vertes, longues, étroites, pointues, & pliées en une goutière, triangulaires, & d’entre lesquelles s’élève une tige ronde, lisse, nue, quelquefois branchue, haute de quatre à cinq pieds, & terminée par un épi de fleurs blanches, rayées extérieurement par des lignes purpurines, découpées en six parties ; le pistil, qui occupe le milieu de la fleur, devient un fruit vert, arrondi, gros comme une moyenne noisette, divisé en trois loges, qui renferment chacune plusieurs semences triangulaires. Elle croît communément en Languedoc ; on la trouve aussi dans d’autres provinces du royaume. Ses racines, quoique désagréables & âcres, ont cependant servi de nourriture à des peuples entiers ; & dans des années de disette on en a fait du pain ; on les mangeoit aussi du côté de Bordeaux comme des navets. On plantoit anciennement l’asfodéle auprès des tombeaux, afin que les manes du cadavre pussent trouver de quoi se nourrir. Porphyre dit dans une de ses épigrammes pour inscription sur un tombeau : Au dehors je suis muni de mauve & d’asfodéle, & au dedans de moi je ne renferme qu’un cadavre. Il y a une espèce d’asfodéle qu’on cultive dans les jardins à cause de sa fleur. Asphodelus luteus. ☞ C’est un genre de plante à fleur en lis, composée d’une seule pièce, découpée en six parties, qu’on appelle Lis asphodèle.

ASPHYXIE. s. f. Terme de Médecine. C’est une privation subite du pouls, de la rezpiration, du sentiment, & du mouvement, ou un abattement considérable & subit de toutes les forces du corps & de l’esprit, en sorte qu’on reste comme si on étoit mort. L’asphyxie est le dernier degré de la syncope. Ce mot est grec, ἀσφυξία, privation de pouls dans toutes les artères. Il vient d’α privatif, & de σφύξις, pouls, pulsation. Col de Villars.

ASPIC. s. m. Petit serpent fort venimeux. Aspis. La morsure d’un aspic ne se guérit point : c’est un aphorisme d’Hippocrate, qui se trouve aussi dans l’Ecriture au chap. 32, du Deuteron. v. 33, sur-tout quand il mord après avoir mangé une grenouille, comme dit Bochart en sa Zoographie. Ils ont, dit l’Ecriture, le poison de l’aspic sur leurs lèvres. Ab. de la Tr. Les Egyptiens adoroient l’aspic. Voyez le P. Kirker, Œd. Æg. Tom. III. p. 187.

Quelques-uns font venir ce mot du grec σπίζω, sibilo : d’autres de sa figure ronde, qui s’appelle en grec ἀσπίς, un bouclier, parce que ce serpent se met ordinairement en rond, principalement quand on l’attaque ; ce qui représente la figure circulaire du bouclier. Sa tête, qu’il élève du milieu de ce cercle, représente ce que les Romains appeloient ombo dans leur bouclier. ☞ Quelques-uns prétendent qu’il est ainsi nommé, à cause que sa peau est rude. Aspis ab asperitate cutis.

Matthiole distingue trois espèces d’aspics, dont l’un est nommé Ptyas, parce qu’il jette son venin au loin comme s’il crachoit : le second Cherséen, qui a pris son nom de ce qu’il se nourrit loin de la mer : le troisième Chélidonien, parce qu’il est noir sur le dos, & blanc sous le ventre, comme les hirondelles. Les plus grands aspics sont ceux qui se nourrissent sur la terre. Il y en a quelquefois de cinq coudées de long, & surtout les Ptyas, qui ont une couleur cendrée, verte & jaune. Nicander dit qu’un homme piqué d’un aspic devient vert & pâle, perd la vue, paroit endormi, & meurt sans sentir aucune douleur. Il ne peut vivre que huit heures, & souvent meurt au bout de trois. Ceux qui sont piqués des aspics Chélidoniens meurent sur le champ. L’aspic fait une piqûre fort déliée, comme la pointe d’une aiguille. Le mâle fait deux piqûres, & la femelle quatre, comme les vipères ; & son venin fait congeler le sang dans les veines & les artères. Il y a aussi un aspic sourd qui a des taches jaunes sur une peau grise, qui est le plus dangereux de tous.

☞ Tout ce que l’on dit de ce reptile paroît fort incertain, & en partie fabuleux.

☞ On a donné le nom d’aspic à un serpent de ce pays-ci, assez commun aux environs de Paris, plus effilé & un peu plus court que la vipère. Il a la tête moins aplatie ; il n’a point les dents mobiles comme la vipère. Son cou est assez mince. Ce serpent est marqué de taches noirâtres sur un fonds de couleur roussâtre, & dans certain temps les taches disparoissent. Notre aspic mord & déchire la peau par sa morsure : mais on a éprouvé qu’elle n’est point venimeuse, au moins on n’a ressenti aucun symptôme de venin, après s’être fait mordre par un de ces serpens, au point de rendre du sang par la plaie. Encyc.

☞ On indique plusieurs remèdes contre la piqûre de l’aspic. Le meilleur est de n’avoir point de peur.

Aspic, se dit figurément d’un médisant, & d’une médisante. Maledicus. C’est une langue d’aspic, c’est un Aspic.

Aspic, est aussi une ancienne pièce d’artillerie ; qui est une demie couleuvrine bâtarde du calibre de douze livres.

Aspic, est aussi une plante, qui est une espèce de lavande, qui a une fleur bleue, & une odeur & un goût fort. Pseudonardus. L’aspic a quantité de branches dures comme du bois, & comme celles du romarin : les feuilles sont longuettes, étroites, épaisses, & en grand nombre, plus fortes, plus larges, & plus blanches que celles de la lavande. À la cime des branches naissent les fleurs en épis de couleur rouge, avec un long pied carré & mince. L’aspic naît de lui même sur des collines sèches & pierreuses, & exposées au soleil, particulièrement en Languedoc. Il fleurit au mois de Juin & de Juillet. Il est apéritif & digestif. Ses fleurs fortifient l’estomac, désopilent la rate, &c. Chom. On en fait une huile qu’on nomme l’huile d’aspic, qui prend feu aisément, & qu’il est impossible d’éteindre, dont les Peintres se servent.

L’huile d’aspic est une huile essentielle de la lavande. Lorsque la plante est en fleur, & que les épis sont presque secs, on les met dans un grand alambic avec beaucoup d’eau. Après quelques jours de macération, on distille le tout. Il sort avec l’huile une eau qui est de couleur jaunâtre ambrée. Voilà la bonne huile d’aspic telle qu’elle doit être sans altération. On choisit l’épi de cette plante préférablement à toute autre partie, parce que c’est celle qui contient le plus d’huile essentielle. On sophistique & on mélange, on gâte l’huile d’aspic par le mélange de l’esprit de vin & d’autres ingrédiens qui l’altèrent. Voyez M. Geoffroy, Mém. de l’Acad. des Sc. 1715, p. 236 & suiv. où il enseigne les moyens d’avoir de bonne huile d’aspic. L’huile d’aspic sert au vernis & à l’émail.

Tout cela n’est point exact. Aspic est un terme impropre de Botanique, qui se dit par corruption pour Spic. On appelle ainsi la lavande à feuilles larges. Lavandula latifolia, ou spica . Voyez Lavande. On dit