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BOU

Comté de Namur, sur la Meuse. Bovinæ, Boviniacum, Bovinium. Il y a aussi Pont-à-Bovines, bourg de Flandres, sur la Marque, entre Lille & Tournai. La bataille de Bovines gagnée par Philippe Auguste contre l’Empereur Othon en 1213, ne se donna point à Bovines, mais à Pont-à-Bovines, comme le déclare Paul Emile par ces mots ; Hæc est Bovinensis pugna. Ita pontem vocant ad quem commissa suit, prostigataque. T. Corn.

☞ BOVINO. Ville d’Italie, au Royaume de Naples, avec un Evêché suffragant de Bénévent, dans la province de la Capitanate.

BOUJON. s. m. Terme de Manufacture de laine, en usage dans les Draperies & Sergetteries de Rouen, de Beauvais, & de quelques autres lieux. Il signifie la même chose que Jurande.

BOUJONNEUR. s. m. Espèce de Maître & Garde ou Juré du Corps de la Draperie & Sergetterie de Beauvais.

BOUIS, ou BUIS. Voyez Buis qui est plus usité.

Bouis. Instrument de Cordonnier formé d’un morceau de bouis, qui sert à polir ☞ & lisser le bord des semelles après que le tranchet leur a donné la forme qu’elles doivent avoir, & à lustrer les passe-talons.

On dit figurément en ce sens, donner le bouis ; pour dire, adoucir quelque chose, & la faire voir du bon côté, comme si on l’avoit polie avec ce morceau de bouis.

On appelle aussi un menton large, & qui avance en dehors, un menton de bouis, parce qu’en effet il a la figure de ce bouis des Cordonniers : mais tout cela est bas & populaire. Voyez Buis.

☞ BOUISSE. s. f. Morceau de bois concave servant aux Cordonniers pour donner de la profondeur à leurs semelles, & leur faire prendre le pli de la forme & du pied.

BOUKINGHAM. Voyez Buckingham.

BOUL. s. m. On nomme ainsi à Smyrne un poinçon ou cachet dont on se sert pour marquer les toiles que l’on donne à peindre en indiennes aux Arméniens ou aux Grecs, pour empêcher qu’ils ne les puissent changer. L’empreinte du boul se fait avec du noir de fumée & de l’huile de lin, qui rend la marque ineffaçable.

BOULAC. Nom d’une ville d’Egypte, située à deux milles du Caire.

BOULANGER. s. m. Celui qui fait, cuit & vend le pain. Pistor. Les Boulangers de Gonesse, de gros pain, de petit pain. Un Boulanger ne peut acheter à chaque fois plus d’un muid de blé, & un muid de farine, par les Ordonnances de la Ville.

Autrefois on disoit & on écrivoit boulangier. Les Romains furent plus de 580 ans sans aucuns boulangiers publics. Vigen. Pline, Liv. XVIII, chap. 11, en met l’époque à la guerre contre Persée, & dit qu’avant ce temps-là c’étoient les femmes qui faisoient le pain, comme ce sont encore elles aujourd’hui parmi le peuple, ou bien le Boulanger étoit le cuisinier. Avant ce temps, ceux qu’on appelle Boulangers dans l’histoire Romaine, Pistores, sont ceux qui, à la campagne, dans les moulins, broyoient ou mouloient le blé. C’est Varron qui nous l’apprend au I Liv. de la vie du Peuple Romain & dans les Ménippiennes. C’est de-là qu’ils furent appelés Pistores, de pinsere, pinso, qui signifie broyer, piler dans un mortier, parce que dans le commencement on piloit ainsi le blé pour le réduire en farine. La plus grande partie des peuples de l’Amérique ne broient point encore autrement qu’avec des pierres.

Les Orientaux n’avoient point non plus de Boulangers. C’étoient les meres de famille qui faisoient le pain, comme fait Sara dans la Genèse, chap. 18, v. 6 & suiv. Le même usage étoit dans les Gaules & dans tout le Nord, comme le dit Olaüs Magn. dans son Hist des Nations Septentrionales, Liv. IX, chap. 13 & suiv. Aussi ne faisoit-on point alors de pain levé, mais des galettes, que l’on cuisoit au foyer, comme font encore les Arabes. Quoiqu’on ne sache pas précisément quand les Boulangers commencerent à paroître, il est toujours certain qu’ils sont fort anciens, & qu’ils ont commencé en Orient. Plusieurs veulent qu’il y en eût en Egypte dès le temps de Joseph ; que l’un de ceux dont il expliqua le songe dans la prison, fut le Chef ou Maître des Boulangers de Pharaon ; & c’est ainsi qu’ils interprétent אפם, avec les Septante & la Vulgate. Il est certain que ces אופים, Ophim, ne faisoient pas seulement du pain, mais plusieurs sortes de mets qui se font avec de la farine : cela paroît par le verset 17 du même chapitre. Faisoient-ils même proprement du pain ? C’est une question. Les Septante ne les appellent pas ἀρτοποιοι, faiseurs de pain, mais σιτόποιοι, gens qui font des ouvrages de farine. Quoiqu’il en soit, les Boulangers passerent de Grèce en Italie après la guerre de Macédoine, vers l’an 583 de la fondation de Rome, comme on l’a dit. Apparemment ils étoient venus d’Asie en Grèce. Les Boulangers Cappadociens étoient les plus estimés, selon Athénée, Liv. III, chap. 13, & après eux ceux de Lydie, & de Phénicie. Dans les commencemens, lorsque le pain se cuisoit encore au foyer, les Boulangers n’étoient pas diffèrens des cuisiniers ; & peut-être que les Egyptiens même les אופים, Ophim, étoient l’un & l’autre. Depuis très long-temps ils sont distingués. Aux Boulangers étrangers qui vinrent s’établir à Rome on joignit plusieurs affranchis, & l’on en fit un corps, où, comme l’on parloit, un Collège, dont ni eux, ni leurs enfans ne pouvoient se séparer. Ils avoient des biens en commun, dont ils ne pouvoient disposer. Il y avoit dans chaque boulangerie un Patron qui en avoit l’intendance. Ces Patrons créoient tous les ans un d’entr’eux, qui avoit la Surintendance sur tous les autres, & le soin des affaires du Corps. On tiroit souvent quelques-uns du Corps des Boulangers pour être Sénateurs, mais ils ne pouvoient monter plus haut. Pour conserver l’honneur & la probité dans le Collège des Boulangers, il leur étoit défendu de s’allier avec des Comédiens, ou des Gladiateurs. Ils avoient chacun une boutique, ou boulangerie, & étoient distribués en quatorze régions de la ville : ils étoient déchargés de tutelles, curatelles, & autres charges qui pouvoient les distraire de leur emploi. Il y eut dans la suite des Boulangers du Palais destinés à faire le pain du Palais de l’Empereur.

En France, il y a eu des boulangers dès le commencement de la Monarchie. Il en est parlé dans les Ordonnances de Dagobert II, de l’an 630. Capit. Reg. Franc. Tom. I, page 120. Leur emploi fut d’abord, comme à Rome, de faire moudre le blé au moulin qu’ils avoient chez eux, qu’ils tournoient à bras, ou qu’ils faisoient tourner par des animaux, ou à quelques moulins bâtis sur de petites rivières. Ils vendoient ensuite la farine à ceux qui vouloient cuire chez eux, & en faisoient du pain pour les autres. C’est pour cela qu’on les trouve appelés, jusques sous la troisième race, dans quelques titres, Pistores, ou en François Pestore ; mais plus souvent néanmoins Panetiers, Talmeliers & Boulangers. Il y a aujourd’hui quatre sortes de Boulangers. Ceux des villes, ceux des fauxbourgs & banlieue, les Privilégiés & les Forains. Autrefois la maîtrise s’achetoit du Roi ; mais pour être reçu Maître Boulanger, le prétendant portoit au Maître des Boulangers, ou Lieutenant du Grand Pannetier, un pot de terre neuf rempli de noix & de nieules, fruit que l’on ne connoît plus, & en présence de cet Officier, & des autres Maîtres & Geindres, il cassoit ce pot contre la muraille, & ensuite on buvoit ensemble. Les Rois ont donné au Grand Pannetier de France la maîtrise des Boulangers & Talmeliers en la ville & banlieue de Paris, avec droit de Justice sur eux. Ce fut S. Louis qui donna cette Juridiction sur eux, & sur leurs compagnons, à son Maître Pannetier, pour en jouir tant qu’il plairoit au Prince, comme on l’apprend d’un Recueil des usages de la Police des Boulangers, fait environ l’an 1264, par E. Boileau, Prévôt de Paris. Voy. Pannetier. Les Boulangers privilégiés sont de deux sortes : 1.o Les Boulangers suivans la Cour établis par Henri IV, au nombre de dix, en 1601, & augmenté de deux par Louis XIII. Ils ont tous demeure à Paris. 2.o Ceux qui demeurent en lieux de franchise. Les