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ment de la soirée et qui y était resté sans perdre patience, le dos appuyé contre le mur, comme un homme qui a longtemps à attendre, et qui en a l’habitude. Résigné à ce rôle patient, il se bornait à changer de pose d’heure en heure.

Ce flâneur intrépide ne prenait pas garde le moins du monde aux gens qui passaient et n’attirait pas davantage leur attention. Constamment ses yeux étaient fixés sur un seul et même objet (la fenêtre auprès de laquelle l’enfant venait ordinairement s’asseoir). Si un moment il détournait son regard, c’était pour consulter le cadran d’une boutique voisine, et ensuite il le ramenait avec plus de fixité encore sur la vieille maison du marchand d’antiquités.

Nous devons faire remarquer que ce mystérieux personnage ne paraissait ressentir aucune fatigue et n’en montra nullement tant qu’il resta à attendre comme une sentinelle vigilante. Mais à mesure que l’heure s’avançait, il donna des signes de surprise et d’inquiétude, interrogeant tour à tour plus fréquemment le cadran et avec moins d’espoir la fenêtre. Enfin d’envieux volets vinrent lui cacher le cadran, quand on ferma la boutique ; mais en même temps onze heures du soir sonnèrent à l’horloge d’une église, et puis le quart. Alors il parut convaincu qu’il était inutile de demeurer davantage en ce lieu. Cependant, cette certitude paraissait lui être pénible, et il ne pouvait se décider à s’éloigner, il semblait hésiter à partir. Et non-seulement il s’en allait lentement, mais encore il se retournait souvent pour regarder la fenêtre, s’arrêtant tout à coup avec un mouvement brusque, lorsqu’un bruit imaginaire, ou une lueur changeante dans la lumière de la chambre pouvait lui faire supposer que le châssis s’était soulevé. Enfin, il dut abandonner toute espérance pour cette nuit, et, pour être plus sûr d’y renoncer, il prit rapidement sa course, ne se hasardant plus à jeter les yeux en arrière, de peur d’être ramené irrésistiblement vers l’objet de ses désirs.

Sans ralentir le pas, sans prendre le temps de respirer, notre mystérieux personnage se lança à travers un grand nombre de ruelles et de rues étroites, jusqu’à ce qu’enfin il parvînt à un petit square : là il marcha plus lentement et, arrivé à une modeste maison où l’on voyait de la lumière à une fenêtre, il souleva le loquet de la porte et entra.

« Bonté du ciel ! qui est là ? … s’écria une femme qui se retourna vivement. Ah ! c’est vous, Kit ?