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intérêt avide à tout ce qui se passait : ce n’était rien moins que les oreilles et les yeux de M. Daniel Quilp, qui, étant entré sans être aperçu, au moment où l’enfant s’était mise à côté du vieillard, se donna bien de garde, sans doute par des motifs de la plus pure délicatesse, d’interrompre la conversation, et se tint immobile avec son regard fixe et son ricanement habituel. Cependant, comme il est assez fatigant de rester debout pour un gentleman qui a beaucoup marché, le nain, d’ailleurs, étant de ces gens qui se mettent à l’aise partout comme chez eux, il ne tarda pas à jeter les yeux sur un fauteuil où il grimpa avec une rare agilité, se perchant sur le dossier et les pieds posés sur le coussin. Dans cette attitude il se trouvait parfaitement à l’aise pour voir et entendre, et, en même temps, il avait le plaisir de satisfaire cette espèce d’instinct animal qu’il possédait en toute occasion, et qui lui faisait exécuter des exercices fantasques, de véritables tours de singe. Il s’assit donc de la sorte, une jambe retroussée négligemment par-dessus l’autre, son menton appuyé sur la paume de sa main, la tête tournée légèrement, et sa laide figure empreinte d’une grimace de plaisir. Voilà comment il était quand le vieillard, ayant par hasard regardé de ce côté, l’aperçut, à son grand étonnement.

À l’aspect de cette agréable figure, l’enfant ne put retenir un cri inarticulé. Elle et le vieillard, ne sachant que dire et doutant à demi de la réalité de cette apparition, la contemplaient avec embarras. Sans être le moins du monde déconcerté par cette réception, Daniel Quilp garda la même attitude, se bornant à faire avec la tête deux ou trois signes de condescendance. Enfin le vieillard prononça le nom de Quilp, à qui il demanda par où il était venu.

« Par la porte, répondit le nain élevant son pouce au-dessus le son épaule ; je ne suis pas encore tout à fait assez petit pour passer à travers le trou de la serrure. Ma foi, je voudrais l’être. Voisin, j’ai besoin de causer avec vous, en particulier, tous deux seuls et sans témoins. Au revoir, petite Nelly. »

Nelly consulta du regard son grand-père, qui lui fit signe de se retirer, et l’embrassa sur la joue.

« Ah ! dit le nain faisant claquer ses lèvres, quel bon baiser… juste sur la pommette vermeille de la joue ! Quel baiser excellent ! »

La jeune fille, en entendant une pareille remarque, n’en fut