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épaule ; ayez la bonté de sourire encore un peu, monsieur… Peut-être désirez-vous me parler, monsieur ?

— Non, monsieur ; du tout.

— Peut-être, monsieur, n’avez-vous rien à me dire en ce moment, » ajouta M. Cheggs en appuyant sur ces derniers mots.

Ici Richard Swiveller détacha ses yeux du visage de M. Cheggs et fit descendre son regard du nez, du gilet et de la jambe droite de son rival jusqu’à ses pieds, qu’il parut considérer avec soin ; après quoi il releva ses yeux, suivit en remontant la ligne de la jambe gauche, celle du gilet, et, revenu en plein visage de Cheggs, il répondit :

« Non, monsieur ; rien du tout.

— Vraiment, monsieur ? Je suis charmé d’apprendre cela. Je suppose, monsieur, que vous savez où me trouver dans le cas où vous auriez quelque chose à me dire ?

— Il ne me sera pas difficile de le demander quand j’aurai besoin de le savoir.

— C’est bien ; nous n’avons rien de plus à nous dire, je pense, monsieur.

— Rien de plus, monsieur. »

Ainsi se termina ce terrible dialogue d’où les deux interlocuteurs se retirèrent fronçant également le sourcil. M. Cheggs s’empressa d’offrir la main à miss Sophie, tandis que M. Swiveller s’asseyait tout morose dans un coin.

Tout près de là étaient assises mistress Wackles et miss Mélissa occupées à regarder la danse. Miss Cheggs s’avança vers elles pendant que son cavalier était engagé dans un pas, et jeta quelques remarques qui furent du fiel et de l’absinthe pour le cœur de Richard Swiveller. Sur une couple de mauvais tabourets se tenaient tant bien que mal deux des élèves de l’externat, cherchant un encouragement à leur gaieté dans les yeux de mistress et miss Wackles ; or, en voyant mistress Wackles sourire et miss Wackles sourire aussi, les deux fillettes crurent devoir, pour se mettre dans leurs bonnes grâces, sourire également : pour reconnaître cette attention, la vieille dame prit un air sévère et leur dit que, si elles osaient se permettre encore pareille impertinence, elles seraient immédiatement reconduites chez elles. L’une des deux élèves, qui était d’une nature timide et d’un tempérament nerveux, ne put réprimer ses larmes devant cette menace rigoureuse ; et pour cette offense toutes deux