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serons ensemble, et que vous, vous y gagnerez par-dessus le marché une jeune et jolie femme.

— Mais est-il bien sûr qu’il soit riche ?

— Certainement. N’avez-vous pas recueilli les paroles qu’il a laissées tomber l’autre jour en notre présence ? Certainement ! Gardez-vous d’en douter. »

Il serait superflu et fatigant de suivre cette conversation dans tous ses détours pleins d’artifice, et de montrer comment peu à peu le cœur de Richard Swiveller fut gagné aux projets de Frédéric. Qu’il nous suffise de dire que la vanité, l’intérêt, la pauvreté et toutes les considérations qui agissent sur un prodigue se réunirent pour séduire Richard et l’entraîner vers la proposition faite en sa faveur ; quand bien même il n’y eût pas eu beaucoup de raisons pour cela, la faiblesse habituelle de son caractère eût été un motif déterminant pour emporter la balance. Depuis longtemps son ami avait pris sur lui un ascendant qui s’était exercé cruellement d’abord aux dépens de la bourse et de l’avenir du malheureux Dick, et qui avait continué de rester aussi complet, aussi absolu, quoique Dick eût à souffrir de l’influence des vices de son compagnon, et que neuf fois sur dix, il parût jouer le rôle d’un dangereux tentateur lorsqu’en réalité il n’était que son instrument, un esprit léger, une tête vide, un véritable étourdi.

Les motifs qui, dans cette occasion, dirigeaient Frédéric étaient un peu trop profonds pour que Richard Swiveller pût les deviner ou les comprendre ; mais nous les laisserons se développer eux-mêmes. Ce n’est pas le moment de les faire paraître au jour. La négociation se termina d’un accord parfait. Swiveller était en train de déclarer, avec son langage fleuri, qu’il n’avait pas d’objection insurmontable pour épouser une personne abondamment pourvue d’argent et de biens meubles, qui voudrait bien de lui, quand il fut interrompu par un coup frappé à la porte. Il dut s’écrier, selon l’usage :

« Entrez ! »

La porte s’ouvrit, mais ne laissa entrer qu’un bras couvert de mousse de savon, avec une forte odeur de tabac. L’odeur de tabac monta du débit par l’escalier ; et quant au bras savonneux, il appartenait à une servante qui, occupée en ce moment à laver l’escalier, venait de le tirer d’un seau d’eau chaude pour prendre une lettre qu’elle présenta de sa propre main, criant