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« Venez avec moi à Tower-Hill ; vous y verrez mistress Quilp. Elle vous aime beaucoup, Nell, mais elle ne vous aime pas autant que moi. Venez à mon logis.

— Il faut que je m’en aille. Mon grand-père m’a dit de revenir aussitôt que j’aurais une réponse.

— Mais vous ne l’avez pas, Nelly, vous ne l’aurez pas, vous ne pouvez pas l’avoir avant que je sois de retour chez moi : ainsi, pour remplir tout à fait votre commission, il faut, comme vous voyez, que vous m’accompagniez. Donnez-moi mon chapeau que voilà, et nous partirons ensemble. »

En parlant ainsi, M. Quilp se laissa rouler du haut du bureau jusqu’à ce que ses petites jambes atteignissent le sol ; alors il se trouva debout et sortit pour aller au débarcadère. La première chose qu’il aperçut, ce fut le jeune homme qui se plaisait tant à marcher la tête en bas, et un autre garçon du même âge et de la même taille, se roulant tous deux dans la boue, enlacés étroitement et se battant avec une égale ardeur.

« C’est Kit !… s’écria Nelly joignant les mains ; le pauvre Kit qui est venu avec moi ! Oh ! je vous en prie, monsieur Quilp, séparez-les !

— Je vais les séparer ! dit vivement Quilp, rentrant dans son comptoir d’où il revint presque aussitôt armé d’un gros bâton. Je vais les séparer. À présent, battons-nous, mes enfants ; je vais me battre tout seul contre vous, contre vous deux, contre vous deux à la fois ! »

En même temps qu’il leur lança ce défi, le nain se mit à brandir son bâton ; et dansant autour des combattants, marchant et sautant sur eux, avec une sorte de frénésie, il frappa tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, comme un enragé, visant toujours à la tête et assenant des coups tels qu’un sauvage seul en pouvait porter. Cet assaut terrible, sur lequel ils n’avaient pas compté, refroidit sensiblement l’ardeur des deux parties, qui se remirent sur pied et demandèrent quartier.

« Chiens que vous êtes ! je vous mettrai en bouillie ! dit Quilp, s’efforçant encore, mais en vain, d’approcher l’un ou l’autre, pour leur administrer le coup d’adieu. Je vous meurtrirai jusqu’à ce que votre peau soit couleur de cuivre ! je vous casserai la face jusqu’à ce que vous n’ayez plus qu’un profil à vous deux ! Vous verrez ça !

« Ah çà ! laissez votre bâton, ou bien malheur à vous ! Laissez