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phrases qu’il prétendait lui avoir été adressées, par exemple :« Swiveller, je sais que je puis compter sur vous » ou bien« Swiveller, je n’hésite pas à dire que j’ai de l’estime pour vous, » ou encore : « Swiveller, vous êtes mon ami, et je compte sur vous », et autres petits mots de même nature familière et expansive, formant, selon lui, l’objet principal de leurs entretiens ordinaires, ni M. Brass ni miss Sally ne mettaient en doute l’étendue de son influence ; ils y ajoutèrent au contraire la foi la plus complète, la plus aveugle.

Cependant, à part même cette source de popularité, M. Swiveller en avait dans la maison une autre non moins agréable et qui pouvait lui faire espérer un grand adoucissement dans sa position.

Il avait trouvé grâce aux yeux de miss Sally Brass.

Que les hommes légers qui dédaignent la fascination féminine n’aillent pas ouvrir leurs oreilles pour entendre ici une nouvelle histoire d’amour et en faire un nouvel objet de plaisanterie : non, miss Brass, bien que taillée pour plaire, comme on a pu le voir, n’était pas d’un caractère à aimer. Cette chaste vierge, s’étant dès sa plus tendre enfance accrochée aux jupes de la Loi, et ayant sous leur égide essayé ses premiers pas, n’ayant cessé depuis ce temps de s’y rattacher d’une main ferme, avait passé sa vie dans une sorte de stage légal. Toute petite encore, elle s’était fait remarquer par sa rare habileté à contrefaire la démarche et les manières d’un huissier ; dans ce rôle, elle avait appris à frapper sur l’épaule de ses jeunes compagnes de jeu et à les conduire dans des maisons d’arrêt, avec une exactitude d’imitation qui surprenait et charmait tous les témoins de cette comédie et n’avait d’égale que la manière ravissante dont miss Sally opérait une saisie dans la maison de la poupée et y dressait l’inventaire exact des chaises et des tables. Ces passe-temps naïfs avaient naturellement consolé et charmé les derniers jours de veuvage du respectable père de Sally, homme exemplaire, auquel ses amis avaient, pour sa sagacité, donné le surnom de« vieux renardeau[1] ». Le vieillard approuvait ces jeux qu’il encourageait de tout son pouvoir, et son principal regret, en sentant qu’il s’acheminait vers le cimetière de Houndsditch, était de penser que sa fille ne pourrait prendre

  1. De Fox, renard.