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de bifteck cru, qu’il prit dans une boîte d’étain bien propre enfin il versa de l’eau dans une quatrième case. Ensuite, à l’aide d’un briquet phosphorique et d’allumettes, il mit le feu à une lampe d’esprit de vin qui était placée sous le temple. Il baissa les couvercles des petits compartiments, puis il les releva, et alors il se trouva que, par une opération merveilleuse et invisible, le bifteck fut rôti, l’œuf cuit, le café bien fait, en un mot, le déjeuner prêt.

« Voici de l’eau chaude, dit le locataire, en la passant à M. Swiveller avec autant d’aplomb que s’il avait eu devant lui un fourneau de cuisine ; voici d’excellent rhum, du sucre et un verre de voyage. Faites le mélange et hâtez-vous. »

Dick obéit, portant tour à tour son regard du temple qui était sur la table, et où tout semblait se faire, à la grande malle qui semblait tout contenir. Le locataire déjeuna en homme trop habitué à ces sortes de miracles pour seulement y penser.

« Le maître de la maison est un homme de loi, n’est-il pas vrai ? » dit-il.

Dick fit un signe de tête. Le rhum lui paraissait exquis.

« La maîtresse de la maison, — qui est-elle ?

— Un dragon, » répondit Richard.

Le gentleman, peut-être pour avoir fait rencontre de ces sortes d’animaux dans le cours de ses voyages, ou peut-être par innocence, s’il était célibataire, ne témoigna aucune surprise, mais il demanda simplement :

« Sa femme, ou sa sœur ?

— Sa sœur.

— Tant mieux ; il pourra s’en débarrasser quand il lui plaira. »

Après un moment de silence, l’étranger ajouta :

« Quant à moi, j’aime à agir à ma guise, à me coucher lorsque cela me convient, à me lever quand il m’en prend la fantaisie, à rentrer, à sortir selon mon idée, à ne pas subir de questions, à n’être point entouré d’espions. À cet égard, les domestiques sont le diable. Il n’y a qu’une servante, ici ?

— Oui, et une toute petite, dit Richard.

— Une toute petite ! Très-bien ; la maison me conviendra ; n’est-ce pas ?

— Oui.

— Ce sont des requins, je suppose ? »

Dick fit un signe d’assentiment et acheva de vider son verre.