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« M. Swiveller, dit Quilp, étant habitué dans sa pratique de l’agriculture à semer de la folle avoine, juge prudemment, miss Sally, qu’après tout il vaut mieux avoir la moitié d’une croûte à ronger que de n’avoir pas de pain du tout. Il juge prudemment que c’est quelque chose aussi que de sortir d’embarras ; en conséquence ; il accepte les offres de votre frère Brass, M. Swiveller est donc à vous dès ce moment.

— Je suis enchanté, monsieur, dit M. Brass, vraiment enchanté. M. Swiveller, monsieur, est heureux d’avoir votre amitié. Vous devez être fier, monsieur, d’avoir l’amitié de M. Quilp. »

Dick murmura quelques mots comme pour dire qu’il n’avait jamais manqué d’amis ni d’une bouteille à leur offrir, et il risqua son allusion favorite à « l’aile de l’amitié qui jamais ne mue comme les plumes d’un oiseau. » Mais toutes ses facultés parurent absorbées par la contemplation de miss Sally Brass, il ne pouvait détacher d’elle son regard morne et stupéfait. Jugez si le nain était aux anges ! Quant à la divine miss Sally elle-même, elle frotta ses mains comme un homme, et fit quelques tours dans l’étude, sa plume derrière l’oreille.

« Je suppose, dit le nain se tournant vivement vers son ami légal, que M. Swiveller va entrer immédiatement en fonctions. C’est aujourd’hui lundi matin.

— Immédiatement, si cela vous convient, monsieur, répondit Brass.

— Miss Sally lui enseignera le droit, la délicieuse étude du droit ; elle sera son guide, son amie, sa compagne, son code, son Blackstone, son Coke, son Littleton, en un mot son manuel du jeune étudiant en droit.

— Quelle éloquence ! dit Brass, comme un homme absorbé, en contemplant les toits des maisons vis-à-vis, et en plongeant les mains dans ses poches ; quelle extraordinaire abondance de langage ! C’est vraiment magnifique !

— Avec miss Sally, continua Quilp, et avec les riantes fictions de la loi, ses jours s’écouleront comme des minutes. Ces charmantes inspirations des poëtes tels que Cujas et Barthole, aussitôt qu’elles vont faire lever pour lui leur première aurore, lui ouvriront un monde nouveau pour élargir son esprit et élever son cœur.

— Oh ! admirable, admirable ! s’écria Brass. Ad-mi-ra-ble en vérité ! C’est une jouissance que de l’entendre !