Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

geait les cœurs des gentlemen entre deux âges : mais on ne disait rien de miss Edwards. Était-elle retournée chez elle, avait-elle seulement un chez elle ? Était-elle restée à la pension ? Personne n’en disait rien. Mais un soir, comme Nelly revenait d’une promenade solitaire, elle passa justement devant l’auberge où s’arrêtaient les diligences, au moment où il en arrivait une : or, Nelly aperçut la belle demoiselle dont elle se souvenait si bien, et qui s’était élancée pour embrasser une jeune fille qu’on aidait à descendre de l’impériale.

C’était la sœur de miss Edwards, sa petite sœur, beaucoup plus jeune que Nelly, une sœur qu’elle n’avait pas vue depuis cinq ans. Pour la faire venir quelques jours seulement, miss Edwards avait dû pendant longtemps économiser ses modestes ressources. Nelly sentit en quelque sorte son cœur se briser, quand elle fut témoin de leurs embrassements. Elles s’écartèrent un peu de la foule qui se pressait autour de la voiture ; là, elles s’embrassèrent de nouveau, entremêlant leurs caresses joyeuses de larmes et de sanglots. Leur costume simple et distingué, le long trajet que la plus jeune sœur avait accompli toute seule, leur agitation, leur bonheur, les larmes qu’elles versaient ; il y avait là dedans toute une histoire pleine d’intérêt.

Elles se remirent au bout de quelques instants et s’éloignèrent, en se tenant par la main, ou plutôt en se serrant l’une contre l’autre.

« Bien sûr, vous êtes heureuse, ma sœur ? dit la plus jeune, au moment où elles passaient devant l’endroit où Nelly s’était arrêtée.

— Tout à fait heureuse, répondit miss Edwards.

— Mais, l’êtes-vous toujours ? … Ah ! ma sœur, pourquoi détournez-vous votre visage ? »

Nelly ne put s’empêcher de les suivre à une courte distance. Elles se rendirent à la maison d’une vieille bonne, chez qui miss Edwards avait loué pour sa sœur une chambre.

« Je viendrai vous voir chaque matin de bonne heure, dit miss Edwards, et nous passerons ensemble toute la journée.

— Pourquoi pas aussi le soir ? Chère sœur, est-ce qu’on vous en voudrait pour cela ? … »

D’où vient que, cette nuit-là, les yeux de la petite Nelly se mouillèrent de larmes comme ceux des deux sœurs ? D’où vient