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étaient payées à leur tour. Les élèves ne faisaient nul cas d’une compagne qui n’avait pas de grandes histoires à raconter sur les splendeurs de sa famille, pas d’amis qui vinssent la voir avec des chevaux de poste et auxquels la maîtresse de pension offrît, avec ses humbles respects, du vin et des gâteaux ; ni une femme de chambre pour venir respectueusement la prendre et la conduire chez ses parents, aux jours de congé ; rien enfin de distingué ni d’élégant, dont elle pût se faire honneur dans la conversation ou autrement.

Or, pourquoi miss Monflathers était-elle toujours et en tout temps irritée contre la pauvre élève ? Le voici. Le plus beau fleuron de la couronne de miss Monflathers, la plus brillante illustration de l’établissement de miss Monflathers, c’était la fille d’un baronnet, la fille réelle et vivante d’un baronnet réel et vivant. Eh bien ! pendant que cette jeune personne, par un renversement extraordinaire des lois de la nature, était non-seulement commune de visage, mais encore commune d’esprit, la pauvre miss Edwards avait à la fois l’esprit développé et des traits charmants. N’est-ce pas incroyable ? Comment ! cette petite miss Edwards qui avait seulement apporté en entrant une petite somme depuis longtemps dépensée, se permettait de dépasser et de primer de beaucoup dans ses études la fille du baronnet qui pourtant prenait des leçons de tous les arts d’agrément (ce n’était pas une raison pour en être plus savante), et dont la note semestrielle dépassait du double ce que payaient toutes les autres élèves ! Il fallait donc que miss Edwards ne tînt aucun compte de l’honneur et de la réputation de la maison ! Aussi miss Monflathers, qui la sentait dans sa dépendance, lui montrait-elle, sans se gêner, tout son dégoût, son mépris, son impatience, et quand elle la vit témoigner quelque compassion à la petite Nelly, elle profita de cette occasion pour s’indigner contre elle et la maltraiter comme nous venons de voir :

« Miss Edwards, vous ne prendrez pas l’air aujourd’hui. Ayez la bonté de vous retirer aux arrêts dans votre chambre et de n’en pas sortir sans ma permission. »

La pauvre jeune fille se hâtait d’obéir, quand elle fut tout à coup « ramenée » en style de marine par un cri étouffé de miss Monflathers.

« Elle a passé sans me saluer ! dit avec indignation la maî-