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la pièce d’or, elle la tira secrètement de l’endroit où elle l’avait cachée, et la présenta à l’aubergiste derrière son comptoir, lorsqu’elle eut saisi une occasion opportune pour le suivre hors de la salle.

« Voulez-vous, s’il vous plaît, dit-elle, me changer cette pièce ? »

M. James Groves éprouva une assez vive surprise. Il considéra la guinée, la fit sonner, regarda l’enfant, puis contempla de nouveau la pièce d’or, comme s’il voulait demander d’où elle tenait cela. Cependant, la pièce étant bonne et changée chez lui, il pensa en aubergiste prudent que les informations n’étaient pas son affaire. Il changea donc la guinée, et, prélevant l’écot, donna le surplus à Nelly. Celle-ci revenait vers la chambre où elle avait passé la soirée, lorsqu’elle crut voir une ombre s’y glisser du côté de la porte. Il n’y avait rien qu’un long couloir noir entre cette porte et l’endroit où elle avait changé : bien certaine que personne n’avait pu pénétrer en ce lieu tandis qu’elle y était, elle fut frappée de l’idée qu’elle avait été épiée.

Mais par qui ?

Lorsque Nelly rentra dans la salle, elle en retrouva tous les habitants exactement dans la position où elle les avait quittés. Le gros homme était étendu sur deux chaises, la tête appuyée sur sa main ; l’homme aux yeux louches était dans une attitude semblable, au côté opposé de la table. Entre eux était assis le grand-père, les regards attachés sur l’heureux gagnant avec une sorte d’admiration avide et suspendu à sa parole comme si c’était un être supérieur. Nelly resta d’abord confondue de surprise et chercha autour d’elle pour voir s’il y avait là une autre personne. Non, rien n’était changé. Alors elle demanda tout bas à son grand-père si quelqu’un était, en son absence, sorti de la salle.

« Non, répondit-il, personne. »

Il fallait donc qu’elle l’eût rêvé ; et cependant il était étrange que, sans aucune raison, elle se fût imaginé apercevoir si distinctement une figure. Elle y pensait encore et n’était pas sortie de son étonnement quand une servante vint avec une lumière la conduire à sa chambre.

Le vieillard prit congé de la compagnie, et tous deux montèrent l’escalier.