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d’une ville dont les rues étaient paisibles et solitaires ; car minuit allait sonner, et tout le monde était au lit. Comme il était trop tard pour se rendre à la salle d’exposition, les voyageurs détournèrent vers un grand terrain nu, qui était contigu à la vieille porte de la ville, et ils se disposèrent à y passer la nuit près d’une autre caravane, qui portait bien sur son panneau officiel le grand nom de Jarley, car elle était employée à mener de place en place les figures de cire qui faisaient l’orgueil du pays, mais elle portait aussi au bas de l’estampille : « Wagon des théâtres forains » sous le n° 7100, tout comme si sa précieuse cargaison n’était composée que de sacs de charbon ou de farine.

Cette voiture, traitée avec si peu d’égards par la police, étant vide (car elle avait déposé son chargement au lieu de l’exposition et elle stationnait là jusqu’à ce que ses services fussent requis de nouveau), elle fut assignée au vieillard pour lui servir de chambre à coucher cette nuit : et c’est dans ses murs de bois que Nelly fit à son grand-père le meilleur lit possible avec tout ce qu’elle trouva sous sa main. Quant à elle, Mme Jarley lui offrit sa propre voiture de voyage, comme une marque signalée de la faveur et de la confiance de sa bourgeoise.

Nelly avait pris congé de son grand-père et revenait à l’autre caravane lorsqu’elle se sentit tentée par la fraîcheur de la nuit de se promener quelques instants en plein air. La lune brillait au-dessus de la vieille porte de la ville, laissant dans l’ombre l’arche basse et cintrée. Ce fut avec un mélange de curiosité et de crainte que Nelly s’approcha de la porte et resta à la contempler, s’étonnant de la voir si noire, si vieille et si triste.

Il y avait au-dessus du porche une niche vide maintenant, autrefois ornée de quelque statue que l’on avait renversée ou enlevée depuis des centaines d’années. L’enfant réfléchissait à l’air étrange que cette figure-là devait avoir lorsqu’elle était debout, elle songeait aux combats qui s’étaient livrés en ce lieu, aux meurtres qui avaient été commis sans doute en cet endroit maintenant silencieux. Soudain un homme sortit de l’immense obscurité du porche. Il ne lui eut pas plutôt apparu, que Nelly le reconnut. Il n’était pas facile de méconnaître dans ce monstre l’abominable Quilp.

La rue qui s’étendait au delà était si étroite, et l’ombre des