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Elle se mit au lit aussi vite qu’elle le put, et, lorsqu’elle se trouva seule, elle donna un libre cours à la tristesse qui accablait son âme. Mais la scène affligeante dont elle avait été témoin contenait pourtant une leçon de satisfaction et de reconnaissance : de satisfaction, puisque Nelly se sentait bien portante et libre ; de reconnaissance, puisqu’elle avait été conservée au seul parent, au seul ami qu’elle chérît, pour vivre et respirer dans un monde magnifique à ses yeux, tandis que tant de jeunes créatures, aussi jeunes qu’elle et aussi pleines d’espérance, étaient frappées et couchées dans leurs tombes. Combien de tertres funèbres dans ce vieux cimetière où elle avait erré dernièrement, s’étaient couverts de verdure sur des tombes d’enfants ! Bien qu’elle ne pensât elle-même que comme une enfant et ne réfléchît peut-être pas suffisamment à quelle brillante et heureuse existence sont appelés ceux qui meurent jeunes, et que la mort leur épargne la douleur de voir s’éteindre les autres autour d’eux, de voir descendre dans la tombe les plus fortes affections de leur cœur, ce qui fait mourir bien des fois le vieillard dans le cours d’une longue existence : cependant Nelly avait assez de raison pour comprendre facilement la moralité du spectacle auquel elle avait assisté cette nuit et pour en graver profondément le souvenir dans son cœur.

Elle ne rêva qu’au petit écolier ; elle le revoyait non pas couché dans son cercueil, non pas couvert de terre, mais au milieu des anges et souriant avec joie.

Le soleil, qui dardait dans la chambre ses rayons bienfaisants, l’éveilla. Il ne restait plus qu’à prendre congé du pauvre maître d’école et à recommencer le pèlerinage.

Tandis qu’ils faisaient leurs apprêts de départ, la classe était commencée. Dans la salle obscure le bruit de la veille retentissait encore, un peu plus tempéré, peut-être, mais si peu que rien. Le maître d’école quitta sa chaire et accompagna ses hôtes jusqu’à la porte.

Nelly lui présenta d’une main tremblante et avec hésitation l’argent que la dame lui avait donné aux courses pour payer ses fleurs ; toute confuse dans ses remercîments, en pensant à la modicité de son offrande, et rougissant de lui donner si peu. Mais il la força à garder son argent, et, s’étant baissé pour l’embrasser sur la joue, il rentra dans sa maison.

Les voyageurs n’avaient pas fait une douzaine de pas, que le