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fourrant les mains dans ses poches, commença à compter les billes dont elles étaient pleines, prouvant par l’expression de sa physionomie la disposition remarquable qu’il avait pour ne pas penser le moins du monde à l’abécédaire sur lequel ses yeux étaient axés. Bientôt après, un autre petit blond entra d’un pas traînant, puis un autre à cheveux roux, puis deux autres blondins, puis un autre avec une petite tête de caniche, jusqu’à ce qu’enfin les bancs fussent occupés par une douzaine environ de jeunes garçons avec des têtes de toutes couleurs (pas de têtes grises cependant), rangées selon l’âge, de quatre ans à quatorze et plus, car les jambes du plus jeune, lorsqu’il fut assis, se trouvèrent à une grande distance du plancher, tandis que le plus âgé, un gros lourdaud bien fort mais bien nigaud, avait au moins la moitié de la tête de plus que le maître d’école.

À l’extrémité du premier banc, le poste d’honneur dans l’école, était vide la place du petit élève malade ; et en tête des patères, où les enfants qui venaient avec des chapeaux ou des casquettes avaient l’habitude de les accrocher, il y avait aussi une place vide. Aucun enfant n’eût osé violer la sainteté du siège ou de la patère ; mais plus d’un portait son regard des endroits vides au maître d’école, et glissait derrière sa main ses réflexions à son voisin paresseux.

Alors commença le bourdonnement des leçons récitées, apprises par cœur, le chuchotement, les jeux dissimulés, tout le bruit, tout le tapage d’une école ; et, au milieu du vacarme, le pauvre maître, la douceur et la simplicité en personne, s’efforçait vainement de fixer son esprit sur les devoirs du jour et d’oublier son petit ami. L’ennui de son état ne lui rendait que plus présent encore le souvenir de l’écolier studieux, et sa pensée n’était pas avec ses élèves, on le voyait bien.

Cette disposition d’esprit n’échappa point aux plus paresseux ; s’enhardissant par l’impunité, ils devinrent plus bruyants et plus effrontés, jouant à pair ou non sous les yeux du maître, mangeant des pommes sans peur et sans reproche, se pinçant les uns les autres pour s’amuser ou par méchanceté, sans se cacher le moins du monde, et gravant leurs autographes au bas même de la chaire. L’idiot, qui était venu réciter sa leçon, ne s’amusa pas à regarder plus longtemps au plafond pour y chercher les mots oubliés ; il se rapprocha tout bonnement du siège du maître et plongea effrontément ses yeux sur la page ; le lustig de la