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jour encore votre petite compagne. Si vous pouvez faire cette charité à un homme qui est seul et en même temps prendre vous-même un peu de repos, faites-la. S’il vous faut absolument continuer votre route, je vous souhaite un bon voyage, et je vous accompagnerai un bout de chemin avant l’ouverture de la classe.

— Que faut-il faire, Nell ? demanda le vieillard d’un ton d’irrésolution ; dis, qu’est-ce qu’il faut faire, ma chère Nell ? »

Il n’était pas besoin de beaucoup d’instances pour déterminer Nelly à répondre qu’il valait mieux accepter l’invitation et rester. Elle était heureuse, d’ailleurs, de prouver sa gratitude au bon maître d’école en s’acquittant avec zèle de tous les soins domestiques nécessaires au modeste cottage. Cette tâche étant achevée, Nelly tira de son panier un ouvrage d’aiguille, et s’assit sur un tabouret, près du treillage, où le chèvrefeuille de jardin et le chèvrefeuille sauvage croisaient leurs rameaux flexibles et se glissaient ensemble jusque dans la salle pour y répandre leur parfum exquis. Son grand-père se chauffait en dehors aux rayons du soleil, respirant la senteur des fleurs, et suivant d’un regard nonchalant la marche des nuages, que poussait le léger souffle du vent.

En voyant le maître d’école mettre en place les deux bancs, poser sa chaise dans la chaire et faire quelques autres dispositions pour la classe, Nelly craignit de le gêner et offrit de se retirer dans sa petite chambre à coucher. Mais il ne voulut pas y consentir ; et, comme il semblait content de l’avoir auprès de lui, elle resta, activement occupée de son ouvrage.

« Avez-vous beaucoup d’élèves, monsieur ? » demanda-t-elle.

Le pauvre maître d’école secoua la tête et répondit :

« À peine de quoi remplir ces deux bancs.

— Les autres sont-ils bien savants, monsieur ? demanda-t-elle encore, regardant les trophées attachés à la muraille.

— De bons petits enfants, dit-il, de bons petits enfants, ma chère ; mais aucun ne sera jamais capable d’en faire autant. »

Un petit garçon à la tête blonde et au visage hâlé par le soleil se montra à la porte tandis que le maître parlait, et, après s’y être arrêté pour saluer et lui tirer son pied par derrière, en manière de révérence, entra et prit sa place sur un des deux bancs. Le petit garçon à la tête blonde posa alors sur ses genoux un livre ouvert dont les pages étaient terriblement cornées, et