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une arcade au-dessus de l’étroit sentier. Un poteau mutilé indiquait que cette ruelle menait à un village situé à trois milles, et ce fut là que les voyageurs résolurent de diriger leurs pas.

Le trajet leur parut si long qu’ils crurent parfois s’être égarés. Mais enfin, à leur grande joie, le chemin aboutit à une descente rapide avec une double chaussée sur laquelle étaient pratiqués des trottoirs ; et les maisons du village leur apparurent groupées et étagées du fond de leur ceinture boisée.

C’était un lieu modeste. Les hommes et les enfants s’amusaient à jouer au cricket[1] sur le gazon. Les regards s’attachèrent sur Nelly et le vieillard qui erraient en se demandant où ils chercheraient un humble asile. Dans un petit jardin, devant sa chaumière, se trouvait tout seul un homme âgé. Les voyageurs éprouvaient un certain embarras à l’aborder, car c’était le maître d’école, et au-dessus de sa fenêtre le mot École était tracé en lettres noires sur un écriteau blanc. C’était un homme pâle, d’un extérieur simple ; il portait un habit usé et étriqué, et se tenait assis parmi ses fleurs et ses ruches, fumant sa pipe, sous le petit portique devant sa porte. « Parle-lui, ma chère, dit tout bas le vieillard.

— J’ai peur de le déranger, dit timidement l’enfant : il n’a pas l’air de nous apercevoir. Peut-être, si nous attendons un peu, regardera-t-il de notre côté. »

Ils attendirent, mais le maître d’école ne regardait pas de leur côté et restait sous son petit portique, pensif et silencieux. Il paraissait bon. Son habillement, tout noir, faisait ressortir encore son teint pâle et sa maigreur. Ils trouvèrent aussi à sa personne, à sa maison, un air de solitude et d’isolement qui venait peut-être de ce que les autres étaient réunis sur la pelouse à se donner du plaisir. Il n’y avait que lui qui fût resté seul dans tout le village.

Cependant le vieillard et sa compagne étaient bien las. Nelly se serait peut-être senti le courage de s’adresser même à un maître d’école ; mais elle hésitait, parce que la physionomie de cet homme révélait la tristesse ou le malheur.

Tandis qu’ils étaient là, incertains, à peu de distance, ils le virent de temps en temps demeurer plongé chaque fois dans une sombre méditation, puis poser sa pipe de côté et faire deux ou

  1. Jeu de balle, en grand honneur dans toute l’Angleterre