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que le nain tâchait de l’amorcer lui-même, et recherchait sa société. Le nain l’avait rencontré deux fois, à la poursuite de renseignements sur les fugitifs, et, comme il n’avait pas montré jusque-là qu’il prît un grand intérêt à leur sort, cet empressement subit avait suffi pour éveiller des soupçons dans le cœur d’une créature naturellement ombrageuse et défiante, sans parler de sa curiosité instinctive si heureusement secondée par les manières ingénues de M. Dick. Mais comment se faisait-il que Quilp, informé du plan qu’ils avaient tramé, se fût offert pour le seconder ? C’était là une question plus difficile à résoudre : cependant, comme généralement les frisons s’abusent eux-mêmes en imputant à d’autres leurs propres desseins, Frédéric pensa aussitôt que certaine mésintelligence avait pu s’élever entre Quilp et le vieillard, par suite de leurs relations secrètes, et peut-être même n’être pas étrangère à la disparition soudaine du marchand de curiosités, et que ce motif avait inspiré au nain le désir de se venger en arrachant au vieillard l’unique objet de son amour et de son anxiété, pour le faire passer entre les mains d’un homme, l’objet de sa terreur et de sa haine. Comme Frédéric Trent lui-même, sans seulement songer aux intérêts de sa sœur, avait à cœur de voir réussir ce projet, qui satisfaisait également sa haine et sa cupidité, il n’en fut que mieux disposé à croire que c’était là aussi le principe de la conduite de Quilp. Une fois que le nain, selon lui, avait son avantage personnel à les aider dans leur projet, il devenait aisé de croire à sa sincérité et à la chaleur de son zèle dans une cause qui leur était commune ; et comme il ne pouvait douter que ce ne fût un utile et puissant auxiliaire, Trent se détermina à accepter l’invitation qu’il lui avait faite et à se rendre chez lui le soir même ; et là, s’il était confirmé dans ses idées parce que dirait ou ferait le nain, il l’admettrait à partager les peines de l’exécution, mais non pas le profit.

Tout cela bien médité et bien arrêté dans son esprit, il communiqua à M. Swiveller — qui se fût contenté de moins encore — une petite partie de ses idées, et, lui laissant toute la journée pour se remettre des étreintes bachiques de la salamandre, il l’accompagna le soir chez M. Quilp.

M. Quilp fut enchanté de les voir, ou fit semblant de l’être, et il se montra même terriblement poli envers Mme Quilp et Mme Jiniwin. Pourtant il ne manqua point de lancer un regard