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voyant agiter tout à la fois ses bras et ses jambes ; vous êtes un joyeux compère ; mais de tous les joyeux compères que j’aie jamais vus ou connus, vous êtes bien celui qui a les manières les plus bizarres, les plus extraordinaires, ma parole d’honneur. »

Cette naïve déclaration, loin de diminuer les excentricités de M. Quilp, ne servit qu’à les accroître. Richard Swiveller, étonné de le voir dans une telle veine d’humeur bruyante, et buvant assez bien pour son compte afin de lui tenir compagnie, commença à se livrer, à devenir plus expansif, et peu à peu, grâce à l’habile tactique de M. Quilp, il épancha complètement son cœur. L’ayant amené où il voulait, et sachant bien maintenant la note qu’il lui faudrait attaquer au besoin, Daniel Quilp trouva sa tâche très-simplifiée, et bientôt il fut instruit de tous les détails du plan ourdi entre le brave Dick et son meilleur ami.

« Arrêtez ! dit Quilp. L’affaire est bonne, l’affaire est bonne. Elle peut réussir, elle réussira ; j’y mettrai la main ; dès à présent je suis tout à vous.

— Comment ! vous croyez qu’il reste encore une chance ! demanda Dick, surpris de l’encouragement qu’il recevait.

— Une chance ! répéta le nain ; certainement ! … Sophie Wackles peut devenir une Cheggs ou tout ce qu’il lui plaira, mais non une Swiveller. Faut-il que vous soyez né coiffé ! Le vieux est plus riche qu’aucun juif vivant ; votre fortune est faite. Je ne vois plus en vous que l’époux de Nelly, roulant sur l’or et sur l’argent. Je vous aiderai. Cela se fera. Rappelez-vous bien ce que je vous dis. Cela se fera.

— Mais comment ? dit Richard.

— Nous avons du temps devant nous ; cela se fera. Nous nous réunirons encore pour parler de ce sujet tout à notre aise. Remplissez donc votre verre tandis que je m’en vais. Je reviens tout de suite, tout de suite. »

En achevant ces paroles jetées à la hâte, Daniel Quilp se glissa dans un ancien jeu de quilles abandonné qui se trouvait derrière le cabaret. Là il se jeta sur le sol et se mit à se rouler en hurlant de joie.

« Voilà, criait-il, un divertissement fait pour moi, tout prêt, tout arrangé pour que je n’aie plus qu’à en jouir à mon aise. C’est ce garçon sans cervelle qui m’a rompu les os l’autre jour, n’est-ce pas ? C’est son ami et complice M. Trent qui autrefois faisait les yeux doux à mistress Quilp et la poursuivait de ses