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prouvé en la voyant s’éveiller ; elle n’était donc pas sans songer avec méfiance qu’elle aurait pu rencontrer de meilleurs compagnons. Cependant, la fatigue finit par dominer la crainte, et elle ne tarda pas à s’endormir.

Dès le lendemain, au point du jour, Short remplit sa promesse ; il frappa doucement à la porte de Kelly, qu’il pria instamment de se lever tout de suite, attendu que le propriétaire des chiens ronflait encore, et qu’il n’y avait pas un moment à perdre pour prendre une bonne avance à la fois sur lui et sur le sorcier, qui parlait tout haut en dormant, et qui, d’après ce qu’on avait pu lui entendre dire, semblait, dans ses rêves, tenir un âne en équilibre sur son nez. Nelly sortit immédiatement de son lit et éveilla son grand-père avec tant de diligence, qu’ils furent tous deux aussitôt prêts que Short lui-même, qui en témoigna toute sa satisfaction.

Après un déjeuner sans cérémonie, expédié à la hâte, et dont les principaux éléments furent du lard, du pain et de la bière, ils prirent congé de l’aubergiste et franchirent la porte des Jolly-Sandboys. La matinée était belle et chaude, le sol frais pour les pieds après la pluie de la veille, les haies plus gaies et plus vertes, l’air pur ; tout, en un mot, respirait la fraîcheur et la santé. Sous cette douce influence, les voyageurs marchaient d’un bon pas.

Ils n’étaient pas bien loin encore, lorsque l’enfant fut frappée de nouveau du changement de manières de M. Thomas Codlin, qui, au lieu de se traîner tout seul en grommelant, ainsi qu’il l’avait fait jusqu’alors, se tenait tout près d’elle, et, lorsqu’il saisissait l’occasion de la regarder à l’insu de son associé, l’avertissait, par certains signes à la dérobée, par certains mouvements de tête, de se défier de Short et de ne mettre sa confiance qu’en Codlin. Il ne se bornait pas aux regards et aux gestes ; car, lorsque Nelly et son grand-père marchaient auprès dudit Short, et que le petit homme parlait avec sa chaleur habituelle d’une quantité de sujets indifférents, Thomas Codlin témoignait sa jalousie et son déplaisir en suivant de près Nelly, à qui il administrait de temps en temps sur les chevilles, en manière d’avertissement, des coups fort peu agréables avec les pieds de son théâtre.

Toutes ces façons d’agir rendirent naturellement l’enfant plus prudente encore et plus réservée Bientôt elle remarqua que,