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lution formelle et digne d’un homme de cœur, qui sait manger, l’aubergiste alla tirer la bière ; en revenant, il se mit à la faire chauffer dans un petit pot de fer-blanc, ayant la forme d’un entonnoir, qu’il approcha le plus avant possible du feu, à la meilleure place. La bière n’ayant pas tardé à être chaude, il la servit à M. Codlin avec cette mousse crémeuse qui plaît si fort aux amateurs de boissons fermentées.

Parfaitement réconforté par ce doux breuvage, M. Codlin se souvint alors de ses compagnons de voyage et annonça à notre hôtelier des Sandboys qu’ils allaient arriver. La pluie battait contre les fenêtres et tombait par torrents ; et, ma foi ! M. Codlin était devenu si aimable, qu’il exprima plusieurs fois l’espérance que ses amis ne seraient pas assez stupides pour se laisser mouiller.

Enfin ceux-ci arrivèrent, trempés par la pluie et dans un état pitoyable, bien que Short eût de son mieux abrité l’enfant sous les basques de son habit, et qu’ils fussent tous presque hors d’haleine, tant ils avaient marché vite. Mais on ne les entendit pas plutôt sur la route, que l’aubergiste, qui était allé les guetter au seuil de sa porte, rentra vivement dans la cuisine et enleva le couvercle. L’effet fut électrique. Les voyageurs parurent, le visage souriant, bien que l’eau tombât de leurs habits sur le carreau. La première remarque de Short fut : « Quelle délicieuse odeur ! »

On oublie aisément la pluie et la boue auprès d’un bon feu, dans une salle bien éclairée. Les voyageurs trouvèrent, soit dans l’auberge soit dans leur bagage particulier, des pantoufles et des vêtements secs, et, se blottissant au coin de la cheminée, selon l’exemple que leur en avait donné M. Codlin, ils se remirent bientôt de leurs fatigues, ou ne se les rappelèrent que pour mieux apprécier les jouissances du moment. Sous l’influence de la chaleur et du bien-être, comme de la lassitude qu’ils avaient éprouvée, Nelly et le vieillard s’étaient à peine assis qu’ils s’endormirent.

« Qu’est-ce que c’est que ces gens-là ? » demanda à demi-voix l’aubergiste.

Short secoua la tête et répondit qu’il en était encore lui-même à le savoir.

« Et vous, le savez-vous ? demanda l’aubergiste en se tournant vers M. Codlin.