Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propre décrépitude : et cependant elle parlait ; toujours de lui comme s’il était toujours son mari, et se croyait toujours pour lui telle qu’elle avait été autrefois et non telle qu’elle était à présent ; elle s’entretenait de leur réunion dans un autre monde comme s’il était mort de la veille ; et s’oubliant aujourd’hui pour ne plus se revoir que dans le passé, elle songeait au bonheur de la gracieuse jeune femme qu’elle croyait ensevelie avec le jeune époux.

L’enfant la laissa cueillir les fleurs qui croissaient sur le tombeau, et elle s’en alla pensive.

Le vieillard, pendant ce temps, s’était levé et habillé. M. Codlin, toujours condamné à contempler en face les dures réalités de la vie, était en train de serrer dans sa toile les bouts de chandelle qui avaient survécu au spectacle de la veille, tandis que son compagnon recevait dans la cour de l’auberge les compliments de tous les badauds, incapables de le séparer du Polichinelle dans leur pensée, et qui, à ce titre, ne lui accordaient guère moins d’importance qu’au joyeux bandit en personne et ne l’aimaient guère moins. Quand M. Short eut joui de sa popularité, il s’en alla déjeuner, et toute la petite société se trouva réunie à table.

« De quel côté comptez-vous vous diriger aujourd’hui ? demanda le petit homme à Nelly.

— Je ne sais guère… répondit l’enfant ; nous ne sommes pas encore décidés.

— Nous allons aux courses. Si c’est votre chemin et si notre compagnie vous convient, nous pouvons faire route ensemble. Si vous préférez marcher seuls, vous n’avez qu’un mot à dire, et vous verrez que nous ne vous gênerons pas.

— Nous irons avec vous, s’écria le vieillard. Nell, avec eux, avec eux ! »

L’enfant réfléchit un moment, et, songeant qu’avant peu il lui faudrait mendier, et qu’elle ne pourrait pour cela trouver un lieu plus convenable que celui où se réunissaient de riches dames et des gentlemen attirés par l’attrait du plaisir et les agréments d’une fête, elle se détermina à s’y rendre dans leur compagnie. Elle remercia donc M. Short de son offre et dit, en regardant timidement M. Codlin :

« S’il n’y a pas d’objection à ce que nous vous accompagnions jusqu’à la ville où se feront les courses ? …