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elle entrevoyait l’aurore, sa petite chambre où elle avait reposé si paisiblement et fait de si doux rêves, il lui était bien dur de ne pouvoir la contempler une dernière fois, d’être forcée de la quitter sans lui donner un regard de tendresse, une larme de reconnaissance. Il s’y trouvait quelques bagatelles sans prix qu’elle eût aimé à emporter ; mais c’était impossible.

Elle fut amenée ainsi à penser à son oiseau, pauvre oiseau ! dont la cage était accrochée dans cette chambre. Elle pleura amèrement la perte de cette petite créature. Mais tout à coup elle songea, sans savoir comment et d’où lui vint cette idée, qu’il pourrait bien se faire que l’oiseau tombât dans les mains de Kit, qui en prendrait soin pour l’amour d’elle, croyant peut-être qu’elle l’avait laissé avec l’espérance qu’il s’en occuperait et comme pour lui demander un dernier service. Cette inspiration la calma ; et Nelly alla se mettre au lit avec le cœur soulagé.

Ses rêves, pendant son sommeil, promenèrent son esprit au sein d’espaces lumineux, à la poursuite d’un but vague et insaisissable qui reparaissait toujours. Quand Nelly s’éveilla, elle trouva la nuit déjà avancée ; les étoiles brillaient sur la voûte du ciel. Enfin, le jour commença à luire, et les étoiles pâlirent peu à peu. Aussitôt l’enfant se leva et s’apprêta pour le départ.

Le vieillard dormait encore : ne voulant pas le troubler, Nelly le laissa sommeiller jusqu’au moment où le soleil parut. Comme il désirait vivement quitter la maison sans perdre une minute, il eut bientôt fait de s’habiller.

Alors, l’enfant le prit par la main, et ils se mirent à descendre l’escalier d’un pied léger et prudent, tremblant quand une marche craquait, et s’arrêtant souvent pour prêter l’oreille. Le vieillard avait oublié une sorte de havre-sac contenant le petit bagage qu’il avait à emporter ; et le peu de temps qu’il fallut pour revenir sur ses pas et gravir quelques marches leur sembla un siècle.

Enfin, ils atteignirent le rez-de-chaussée, où le ronflement de M. Quilp et du procureur retentit à leurs oreilles d’une manière plus terrible que le rugissement des lions. Les verrous de la porte étaient rouillés, et il était difficile de les tirer sans bruit. Les verrous une fois tirés, il se trouva que la serrure était fermée à double tour, et, pour comble de malheur, que la clef n’y était pas. L’enfant alors se souvint d’avoir entendu dire par une des garde-malades que Quilp avait l’habitude de fermer, la