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— J’ignore pourquoi. Je suis certain de n’avoir jamais rien fait pour vous mécontenter ni l’un ni l’autre. Je puis le dire hardiment, la tête haute et le cœur tranquille. Et penser qu’on me ferme la porte au nez quand je viens seulement demander comment va mon vieux maître ! …

— On ne m’avait pas dit cela ! … s’écria l’enfant. En vérité, je ne le savais pas. Je suis bien fâchée qu’on vous ait traité de la sorte.

— Je vous remercie, miss. Ça me fait du bien d’entendre ce que vous me dites. Je le disais bien que ce n’était pas vous qui commandiez ça.

— Oh ! oui, vous aviez raison, dit vivement l’enfant.

— Miss Nell, continua le jeune homme se rapprochant de la fenêtre et baissant la voix, il y a de nouveaux maîtres en bas. C’est un changement pour vous.

— C’est bien vrai !

— Et pour lui aussi… quand il se portera mieux ! ajouta Kit en dirigeant son regard vers la chambre du malade.

— S’il guérit ! … murmura Nelly, qui ne put retenir ses larmes.

— Oh ! il guérira, il guérira ! Je suis sûr qu’il guérira ! Il ne faut pas vous laisser abattre, miss Nell. Je vous en prie, ne vous laissez pas abattre. »

Ces quelques mots d’encouragement et de consolation étaient jetés naïvement et n’avaient pas grande autorité, mais ils n’en émurent pas moins profondément Nelly, dont les larmes redoublèrent.

« Sûrement il guérira, dit le jeune homme, qui ajouta d’un ton triste : Si vous ne vous abattez pas, si vous ne tombez pas malade à votre tour, ce qui l’accablerait et le tuerait au moment où il serait pour se rétablir. S’il guérit, dites-lui une bonne parole, une parole d’amitié pour moi, miss Nell.

— On m’a recommandé de ne pas même prononcer votre nom devant lui, d’ici à longtemps ; je n’ose le faire. Et quand je le pourrais, à quoi vous servirait une bonne parole, Kit ? … À peine aurons-nous du pain à manger.

— Je n’espère pas rentrer chez vous, je ne demande pas de faveur. Ce n’est pas pour un intérêt de salaire et de nourriture que j’ai tant épié l’occasion de vous voir. Ne me faites pas l’injure de croire que je viendrais dans un moment si triste vous parler de ces choses-là. »