Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la jeune personne. Voici la voiture. C’est sa tête que vous voyez à la portière. »

En achevant ces mots, M. Dowler montrait une voiture qui venait de s’arrêter. On voyait effectivement à la portière une figure assez jolie, coiffée d’un chapeau bleu, et qui, regardant parmi la foule, cherchait probablement l’homme violent lui-même. M. Dowler paya sa dépense et sortit promptement avec sa casquette, sa redingote et son manteau : M. Pickwick et ses amis le suivirent pour s’assurer de leurs places.

M. Tupman et M. Snodgrass s’étaient huchés derrière la voiture ; M. Winkle était monté dans l’intérieur et M. Pickwick se préparait à le suivre, quand Sam Weller s’approcha d’un air de profond mystère, et, chuchotant dans l’oreille de son maître, lui demanda la permission de lui parler.

« Eh bien ! Sam, dit M. Pickwick, qu’est-ce qu’il y a maintenant ?

— En voilà une de sévère, monsieur !

— Une quoi ?

— Une histoire, monsieur. J’ai bien peur que le propriétaire de cette voiture-ci ne nous fasse quelque impertinence.

— Comment cela, Sam ? Est-ce que nos noms ne sont point sur la feuille de route ?

— Certainement qu’ils y sont, monsieur ; mais ce qui est plus fort, c’est qu’il y en a un qui est sur la porte de la voiture. »

En parlant ainsi, Sam montrait à son maître cette partie de la portière où se trouve ordinairement le nom du propriétaire ; et là, en effet, se lisait en lettres dorées, d’une raisonnable grandeur, le nom magique de Pickwick.

« Voilà qui est curieux ! s’écria M. Pickwick, tout à fait étourdi de cette coïncidence ; quelle chose extraordinaire !

— Oui ; mais ce n’est pas tout, reprit Sam en dirigeant de nouveau l’attention de son maître vers la portière. Non contents d’écrire Pickwick, ils mettent Moïse devant. Voilà ce que j’appelle ajouter l’injure à l’insulte, comme disait le perroquet quand on lui a appris à parler anglais, après l’avoir emporté de son pays natal.

— Cela est certainement assez singulier, Sam ; mais si nous restons là, debout, nous perdrons nos places.

— Comment ! est-ce qu’il n’y a rien à faire en conséquence, monsieur ? s’écria Sam tout à fait démonté par la tranquillité avec laquelle M. Pickwick se préparait à s’enfoncer dans l’intérieur.