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« Oh ! monsieur, s’il vous plaît, Samuel est en bas, et il demande si son père peut vous voir !

— Certainement.

— Merci, monsieur, dit Mary, en retournant vers la porte.

— Est-ce qu’il y a longtemps que Sam est ici ?

— Oh ! non, monsieur. Il ne fait que de revenir, et il ne vous demandera plus de congé, à ce qu’il dit. »

Mary s’aperçut sans doute, qu’elle avait communiqué cette dernière nouvelle avec plus de chaleur qu’il n’était absolument nécessaire ; ou peut-être remarqua-t-elle le sourire de bonne humour avec lequel M. Pickwick la regarda, quand elle eut fini de parler. Le fait est qu’elle baissa la tête et examina le coin de son joli petit tablier, avec une attention qui ne paraissait pas indispensable.

« Dites-leur qu’ils viennent sur-le-champ. »

Mary, apparemment fort soulagée, s’en alla rapidement avec son message.

M. Pickwick fit deux ou trois tours dans la chambre, et frottant son menton avec sa main gauche, parut plongé dans de profondes réflexions.

« Allons, allons ! dit-il à la fin, d’un ton doux, mais mélancolique, c’est la meilleure manière dont je puisse récompenser sa fidélité. Il faut que cela soit ainsi. C’est le destin d’un vieux garçon de voir ceux qui l’entourent former de nouveaux attachements et l’abandonner. Je n’ai pas le droit d’attendre qu’il en soit autrement pour moi. Non, non, ajouta-t-il plus gaiement, ce serait de l’égoïsme et de l’ingratitude. Je dois m’estimer heureux d’avoir une si bonne occasion de l’établir. J’en suis heureux, nécessairement j’en suis heureux. »

M. Pickwick était si absorbé dans ces réflexions, qu’on avait frappé trois ou quatre fois à la porte avant qu’il l’entendît. S’asseyant rapidement et reprenant l’air aimable qui lui était ordinaire, il cria :

« Entrez ! » Et Sam Weller parut, suivi par son père.

« Je suis charmé de vous voir revenu, Sam. Comment vous portez-vous, monsieur Weller ?

— Très-bien, mossieu, grand merci, répliqua le veuf. J’espère que vous allez bien, mossieu ?

— Tout à fait, je vous remercie.

— Je désirerais avoir un petit brin de conversation avec vous, mossieu, si vous pouvez m’accorder cinq minutes.

— Certainement. Sam, donnez une chaise à votre père.