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que je n’ai pas z’été avec vous comme j’aurais dû être. Vous étiez un brave homme, avec un bon cœur, et j’aurais pu vous rendre votre maison plus confortable. Maintenant qu’il est trop tard, dit-elle, je m’aperçois que si une femme mariée veut s’montrer dévote, il faut qu’elle commence par remplir ses devoirs dans sa maison, et qu’elle rende ceux qui sont autour d’elle confortables et heureux. Pourvu qu’elle aille à l’église ou à la chapelle en temps convenable, il ne faut pas qu’elle se serve de ces sortes de choses pour excuser sa paresse ou sa gourmandise, ou bien pire. J’ai fait tout ça, dit-elle, et j’ai dépensé mon temps et mon argent pour des gens qui employaient leur temps encore plus mal que moi. Mais quand je serai partie, Weller, j’espère que vous vous rappellerez de moi, telle que j’étais réellement par mon naturel avant d’avoir connu ces gens-là. » — Suzanne, que je lui ai dit — j’avais été pris un peu court par cette remarque-là, Samivel, je ne veux pas le nier, mon garçon — « Suzanne, que je lui ai dit, vous avez été une très-bonne femme pour moi au total ; ainsi ne parlons plus de cela. Reprenez bon courage, ma chère, et vous vivrez encore assez longtemps pour me voir ramollir la tête de ce Stiggins. » Ça l’a fait sourire, Samivel, dit le vieux gentleman en étouffant un soupir avec sa pipe. Mais elle est morte tout de même ! »

Au bout de trois ou quatre minutes consumées par l’honnête cocher à balancer lentement sa tête d’une épaule à l’autre, en fumant solennellement, Sam crut devoir se hasarder à lui offrir quelques lieux communs de consolation :

« Allons, gouverneur, dit-il, faut bien que nous en passions tous par là un jour ou l’autre.

— C’est vrai, Sammy.

— Il y a une providence dans tout ça.

— Certainement, répondit le père avec un signe d’approbation réfléchie ; sans cela, que deviendraient les entrepreneurs des pompes funèbres ? »

Perdu dans le champ immense de conjectures ouvert par cette réflexion, M. Weller posa sa pipe sur la table et attisa le feu d’un air pensif.

Tandis qu’il était ainsi occupé, une cuisinière grassouillette, vêtue de deuil, et qui, depuis quelques instants, avait l’air ranger le comptoir, se glissa dans la chambre, et, accordant à Sam plusieurs sourires de reconnaissance, se plaça silencieusement derrière la chaise de M. Weller, auquel elle annonça