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eût découvert, en montant tout bonnement par-dessus cette palissade, que les ombres des malles, des chevaux, des gardes, des cochers et des voyageurs, eussent l’habitude de faire des voyages régulièrement chaque nuit. Il ajoutait qu’il croyait être le seul individu vivant qu’on eût jamais pris comme passager dans une de ces excursions. Je crois effectivement qu’il avait raison, gentlemen, ou du moins je n’ai jamais entendu parler d’aucun autre.

« Je ne comprends pas ce que ces ombres de malles-postes peuvent porter dans leurs sacs ?… dit l’hôte, qui avait écouté l’histoire avec une profonde attention.

— Parbleu, les lettres mortes.[1]

— Oh ! ah ! c’est juste. Je n’y avais pas pensé. »




CHAPITRE XXI.

Comment M. Pickwick exécuta sa mission et comment il fut renforcé, dès le début, par un auxiliaire tout à fait imprévu.


Les chevaux furent ponctuellement amenés le lendemain matin à neuf heures moins un quart, et M. Pickwick ayant occupé sa place, ainsi que Sam, l’un à l’intérieur, l’autre à l’extérieur, le postillon reçut ordre de se rendre à la maison de M. Sawyer, afin d’y prendre M. Benjamin Allen.

La voiture arriva bientôt devant la boutique où se lisait cette inscription : Sawyer, successeur de Nockemorf ; et M. Pickwick, en mettant la tête à la portière, vit, avec une surprise extrême, le jeune garçon en livrée grise, activement occupé à fermer les volets. À cette heure de la matinée c’était une occupation hors du train ordinaire des affaires, et cela fit penser d’abord à notre philosophe que quelque ami ou patient de M. Sawyer était mort, ou bien peut-être que M. Bob Sawyer lui-même avait fait banqueroute.

« Qu’est-il donc arrivé ? demanda-t-il au garçon.

— Rien du tout, monsieur, répondit celui-ci en fendant sa bouche jusqu’à ses oreilles.

  1. En anglais, dead letters, lettres mises au rebut. (Note du traducteur.)