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en bourrant dans les côtes de M. Winkle un coup de poing, que ce gentleman lui rendit immédiatement. Après quoi l’un et l’autre se mirent à rire aux éclats, mais non pas aussi fort que Sam Weller, car il venait de calmer son émotion en embrassant la jolie femme de chambre, derrière la porte d’une armoire.

— Sam, dit Arabelle avec le plus doux sourire imaginable, je ne pourrai jamais assez vous témoigner ma reconnaissance. Je me souviendrai toujours de vos bons services dans le jardin de Clifton.

— Faut pas parler de ça, madame, répondit Sam ; je n’ai fait qu’aider la nature, comme dit le docteur à la mère de l’enfant qui était mort d’une saignée.

— Mary, ma chère, asseyez-vous, dit M. Pickwick en coupant court à ces compliments. Et maintenant, combien y a-t-il de temps que vous êtes mariés, hein ?. »

Arabelle regarda d’un air confus son seigneur et maître qui répondit : « Seulement trois jours.

— Seulement trois jours ! Et qu’est-ce que vous avez donc fait pendant ces trois mois-ci ?

— Ah, oui ! voilà la question ! interrompit M. Perker. Comment pouvez-vous excuser tant de lenteur ? Vous voyez bien que le seul étonnement de Pickwick c’est que cela ne se soit pas fait plus tôt.

— Le fait est, répliqua M. Winkle en regardant la jeune femme qui rougissait ; le fait est que j’ai été longtemps avant de pouvoir persuader à Bella de s’enfuir avec moi ; et lorsque je suis parvenu à la persuader, il s’est passé longtemps avant que nous pussions trouver une occasion. D’ailleurs, Mary était obligée de prévenir un mois d’avance, avant de quitter sa place, et nous ne pouvions guère nous passer de son assistance.

— Sur ma parole, s’écria M. Pickwick, qui avait remis ses lunettes et qui contemplait tour à tour Arabelle et M. Winkle, avec l’air le plus épanoui que puissent donner à une physionomie humaine la bienveillance et le contentement ; sur ma parole, vous avez agi d’une manière très-systématique. Et votre frère est-il instruit de tout ceci, ma chère ?

— Oh ! non, non ! répondit Arabelle en changeant de couleur. Cher monsieur Pickwick, c’est de vous seul qu’il doit l’apprendre. Il est si violent, si prévenu, et il a été si… si partial pour son ami M. Sawyer, que je redoute affreusement les conséquences.