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cun tableau, un ange avec une culotte et des guêtres ; non, pas même au spectacle, quoique ça ait pu se faire ; mais voyez-vous, Job, malgré ça, je vous dis que c’est un véritable ange, pur sang ; et montrez-moi l’homme qui osera me soutenir le contraire ! »

Ayant proféré cette provocation, qu’il confirma par de nombreux gestes et signes de tête, Sam empocha sa monnaie et se mit en quête de l’objet de son panégyrique.

M. Pickwick était encore avec Jingle, et lui parlait vivement, sans jeter un coup d’œil sur les groupes variés et curieux qui l’entouraient.

« Bien, disait-il, lorsque Sam et son compagnon s’approchèrent : vous verrez comment vous irez, et en attendant, vous réfléchirez à cela. Quand vous vous trouverez assez fort, vous me le direz, et nous en causerons. Maintenant, retournez dans votre chambre, vous avez l’air fatigué, et vous n’êtes pas assez vigoureux pour demeurer longtemps dehors. »

M. Alfred Jingle, à qui il ne restait plus une étincelle de son ancienne vivacité, ni même de la sombre gaieté qu’il avait feinte, le premier jour où M. Pickwick l’avait rencontré dans sa misère, salua fort bas, sans parler, et s’éloigna avec lenteur, après avoir fait signe à Job de ne pas le suivre immédiatement.

« Sam, dit M. Pickwick en regardant autour de lui avec bonne humeur. Ne voilà-t-il pas une curieuse scène ?

— Tout à fait, monsieur, répondit Sam ; et il ajouta, en se partant à lui-même : « Les miracles ne sont pas finis. Voilà-t-il pas ce Jingle qui se met aussi à faire jouer les pompes ! »

Dans la partie de la prison où se trouvait alors M. Pickwick, l’espace circonscrit par les murs, était assez étendu pour former un bon jeu de paume ; un des côtés de la cour était fermé, cela va sans dire, par le mur même, et l’autre par cette partie de la prison qui avait vue sur Saint-Paul ; ou, plutôt, qui aurait eu vue sur cette cathédrale si on avait pu voir à travers la muraille. Là se montraient un grand nombre de débiteurs, en mouvement ou en repos dans toutes les attitudes possibles d’une inquiète fainéantise. La plupart attendaient le moment de comparaître devant la cour des insolvables ; les autres étaient renvoyés en prison pour un certain temps, qu’ils s’efforçaient de passer de leur mieux. Quelques-uns avaient l’air misérable, d’autres ne manquaient point de recherche ; le plus grand nombre étaient crasseux ; le petit nombre moins mal-