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— Parce que…, dit Sam en hésitant.

— Parce que quoi ? reprit M. Pickwick, alarmé par les manières de son domestiqua. Parlez clairement, Sam.

— Parce que… j’ai une petite affaire qu’il faut que je fasse.

— Quelle affaire ? demanda M. Pickwick, surpris de l’air confus de Sam.

— Rien de bien conséquent, monsieur.

— Ah ! dans ce cas, dit M. Pickwick en souriant, vous pouvez m’entendre d’abord.

— J’imagine que je terminerai d’abord mon affaire, » répliqua Sam, en hésitant encore.

M. Pickwick eut l’air surpris, mais ne répondit pas.

« Le fait est, dit Sam, en s’arrêtant court.

— Eh bien ? reprit M. Pickwick, parlez donc.

— Eh bien ! le fait est, répliqua Sam avec un effort désespéré, le fait est que je ferais peut-être mieux de voir après mon lit.

— Votre lit ! s’écria M. Pickwick, plein d’étonnement.

— Oui, mon lit, monsieur ; je suis prisonnier ; j’ai été arrêté cette après-midi, pour dettes.

— Arrêté pour dettes ! s’écria M. Pickwick, en se laissant tomber sur une chaise.

— Oui, monsieur, pour dettes, et l’homme qui m’a mis ici ne m’en laissera jamais sortir, tant que vous y serez vous-même.

— Que me dites vous donc là !

— Ce que je dis, monsieur, je suis prisonnier, quand ça devrait durer quarante ans ! et j’en suis fort content encore ; et si vous aviez été dans Newgate, ç’aurait été la même chose ! maintenant le gros mot est lâché, sapristi ! c’est une affaire finie ! »

En prononçant ces mots, qu’il répéta plusieurs fois avec grande violence, Sam aplatit son chapeau sur la terre, dans un état d’excitation fort extraordinaire chez lui ; puis ensuite, croisant ses bras, il regarda son maître en face et avec fermeté.