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— Écoutez, écoutez ! cria le client de l’homme d’affaires. Et pourquoi pas ?

— Ah ! oui ; pourquoi pas, en vérité ? répéta un homme au visage très-rouge, qui n’avait encore rien dit jusqu’alors, et qui avait tout à fait l’air de n’avoir rien à dire de plus. Pourquoi pas ? »

Un murmure d’assentiment circula dans la compagnie.

« Je me rappelle, gentlemen, que, dînant avec lui un certain jour… nous n’étions que nous deux, mais tout était aussi splendide que si l’on avait attendu vingt personnes… Le grand sceau était sur une étagère, à sa droite, et à sa gauche un homme en grande perruque et couvert d’une armure gardait la masse, avec un sabre nu et des bas de soie… Ce qui se fait perpétuellement, gentlemen, la nuit et le jour. Il me dit tout à coup : « Pell, dit-il, pas de fausse délicatesse. Pell, vous êtes un homme de talent ; vous pouvez faire passer qui vous voulez à la Cour des insolvables. Votre pays doit être fier de vous, Pell. » Ce sont là ses propres paroles, « Mylord, lui dis-je, vous me flattez. — Pell, dit-il, si je vous flatte, je veux être damné !… »

— A-t-il dit ça ? interrompit M. Weller.

— Il l’a dit.

— Eh bien ! alors je dis que le parlement aurait dû le mettre à l’amende pour avoir juré, et si le chancelier avait été un pauv’ diable, on l’y aurait mis.

— Mais, mon cher monsieur, il connaissait ma discrétion… Il me disait cela en toute confiance.

— Et quoi ?

— En toute confiance.

— Ah ! très-bien, répartit M. Weller après un petit moment de réflexion. S’il se damnait en toute confiance, ça change la question.

— Nécessairement la distinction est évidente.

— Ça change la question entièrement. Continuez, monsieur.

— Non, je ne continuerai pas, reprit M. Pell d’une voix basse et sérieuse. Vous m’avez rappelé, monsieur, que c’était une conversation privée… privée et confidentielle, gentlemen. Gentlemen, je suis un homme de loi… Il est possible que je sois fort estimé dans ma profession ; il est possible que je ne le sois pas. Chacun peut le savoir ; je n’en dis rien. On a déjà fait dans cette chambre des observations injurieuses à la