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L’aspect de la chambre le rappela tout à coup à lui-même, mais lorsque ses regards se portèrent sur un homme languissamment assis près d’un mauvais feu, il laissa tomber son chapeau de surprise et resta immobile et comme pétrifié.

Oui, cet homme sans habit, sans gilet, dont le pantalon était déchiré, dont la chemise de calicot était jaunie et déchirée, dont les grands cheveux pendaient en désordre, dont les traits étaient creusés par la souffrance et par la famine, c’était M. Alfred Jingle ! Il se tenait la tête appuyée sur la main : ses yeux étaient fixés sur le feu et tout son extérieur dénotait la misère et l’abattement.

Auprès de lui, négligemment accoté contre le mur, se trouvait un vigoureux campagnard, caressant avec un vieux fouet de chasse, la botte qui ornait son pied droit, le pied gauche étant fourré dans une pantoufle. Les chevaux, les chiens, la boisson avaient causé sa ruine. Il y avait encore à cette botte solitaire un éperon rouillé, qu’il enfonçait quelquefois dans l’air en faisant vigoureusement claquer son fouet et en murmurant quelques-unes de ces interjections par lesquelles un cavalier encourage son cheval : il exécutait, évidemment, en imagination, quelque furieuse course au clocher. Pauvre diable ! le meilleur cheval de son écurie ne lui avait jamais fait faire une course aussi rapide que celle qui s’était terminée à la Flotte.

De l’autre côté de la chambre, un vieillard, assis sur une caisse de bois, tenait ses yeux attachés au plancher. Un profond désespoir immobilisait son visage. Un enfant, son arrière-petite-fille, se pendait après lui et s’efforçait d’attirer son attention par mille inventions enfantines ; mais le vieillard ne la voyait ni ne l’entendait. La voix qui lui avait paru si musicale, les yeux qui avaient été sa lumière, ne produisaient plus d’impression sur ses sens ; la maladie faisait trembler ses genoux et la paralysie avait glacé son esprit.

Dans un autre coin de la salle, deux ou trois individus formaient un petit groupe et parlaient bruyamment entre eux. Plus loin, une femme au visage maigre et hagard, la femme d’un prisonnier, s’occupait à arroser les misérables restes d’une plante desséchée, qui ne devait jamais reverdir : emblème trop vrai, peut-être, du devoir qu’elle venait remplir dans la prison.

Tels étaient les misérables prisonniers qui se présentèrent aux yeux de M. Pickwick, tandis qu’il regardait autour de