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danger, je vous assure. Tenez-vous ferme, Sam, continua-t-il en regardant en bas.

— Tout va bien, monsieur, répliqua Sam. Cependant ne soyez pas plus long qu’il ne faut, si ça vous est égal ; vous êtes un brin pesant, monsieur.

— Encore un seul instant, Sam. Je désirais seulement vous apprendre, ma chère, que je n’aurais pas permis à mon jeune ami de vous voir de cette manière clandestine, si la situation dans laquelle vous êtes placée lui avait laissé une autre alternative. Mais, de peur que l’inconvenance de cette démarche ne vous causât quelque déplaisir, j’ai voulu vous faire savoir que je suis présent. Voilà tout, ma chère.

— En vérité, monsieur Pickwick, je vous suis très-obligée pour votre bonté et votre prévoyance, répondit Arabella en essuyant ses larmes avec son mouchoir. »

Elle en aurait dit bien davantage, sans doute, si la tête de M. Pickwick n’avait pas soudainement disparu, en conséquence d’un faux pas qu’il avait fait sur l’épaule de Sam, et grâce auquel il se trouva tout à coup sur la terre. Cependant il fut remis sur ses pieds en un moment, et, disant à M. Winkle de se hâter de terminer son entrevue, il courut au bout de la ruelle pour monter la garde avec tout le courage et l’ardeur d’un jeune homme. M. Winkle, inspiré par l’occasion, fut sur le mur en un clin d’œil ; il s’y arrêta néanmoins pour engager Sam à prendre soin de son maître.

« Soyez tranquille, monsieur, je m’en charge.

— Où est-il, que fait-il, Sam ?

— Dieu bénisse ses vieilles guêtres ! répliqua Sam en regardant vers la porte du jardin. Il monte la garde dans la ruelle avec sa lanterne sourde, comme un aimable Mandrin. Je n’ai jamais vu une si charmante créature de mes jours. Dieu me sauve ! si je n’imagine pas que son cœur doit être venu au monde vingt-cinq ans après son corps, pour le moins. »

M. Winkle n’était pas resté pour entendre l’éloge de son ami ; il s’était précipité à bas du mur, il s’était jeté aux pieds d’Arabella, et plaidait la sincérité de sa passion avec une éloquence digne de M. Pickwick lui-même.

Pendant que ces choses se passaient en plein air, un gentleman d’un certain âge, et fort distingué dans les sciences, était assis dans sa bibliothèque, deux ou trois maisons plus loin et s’occupait à écrire un traité philosophique, adoucis-