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« Il faudra que nous soyons très-prudents, dit M. Pickwick après avoir écouté attentivement le récit de Sam : non dans notre propre intérêt, mais dans celui de la jeune lady. Il faudra que nous soyons très-prudents.

— Nous ? s’écria M. Winkle avec une emphase marquée. »

Le ton de cette observation arracha à M. Pickwick un coup d’œil d’indignation momentanée, mais qui fut remplacé presque aussitôt par son expression de bienveillance accoutumée, lorsqu’il répondit : « Oui, nous, monsieur ! Je vous accompagnerai.

— Vous ? s’écria M. Winkle.

— Moi, reprit M. Pickwick d’un ton doux. En vous accordant cette entrevue, la jeune lady a fait une démarche naturelle, peut-être, mais très-imprudente. Si je m’y trouve présent, moi qui suis un ami commun, et assez vieux pour être le père de l’un et de l’autre, la voix de la calomnie ne pourra jamais s’élever contre elle, par la suite. »

En parlant ainsi, la contenance de M. Pickwick s’illumina d’une honnête satisfaction de sa propre prévoyance.

M. Winkle fut touché de cette preuve délicate de respect donnée par M. Pickwick à sa jeune protégée. Il saisit la main du philosophe avec un sentiment qui tenait de la vénération.

« Vous y viendrez ? lui dit-il.

— Oui, répliqua M. Pickwick. Sam, vous préparerez mon paletot et mon châle, et vous aurez soin de faire venir une voiture à la porte, demain soir un peu avant l’heure nécessaire, afin que nous soyons sûrs d’arriver à temps. »

Sam toucha son chapeau en signe d’obéissance et se retira pour faire les préparatifs de l’expédition.

La voiture fut ponctuelle à l’heure désignée, et après avoir installé M. Pickwick et M. Winkle dans l’intérieur, Sam se plaça sur le siége à côté du cocher. Ils descendirent comme ils étaient convenus, à environ un quart de mille du lieu du rendez-vous, et, ordonnant au cocher d’attendre leur retour, firent le reste du chemin à pied.

C’est dans cette période de leur entreprise que M. Pickwick, avec plusieurs sourires et divers autres signes d’un grand contentement intérieur, tira d’une de ses poches une lanterne sourde dont il s’était pourvu spécialement pour cette occasion. Tout en marchant, il en expliquait à M. Winkle la grande beauté mécanique, à l’immense surprise du peu de passants qu’ils rencontraient.

« Je m’en serais mieux trouvé si j’avais eu quelque chose