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« Je vous demande pardon, monsieur Weller, dit M. Smauker, torturé par ce bruit inélégant ; voulez-vous prendre mon bras ?

— Merci, vous êtes bien bon, je ne veux pas vous en priver ; j’ai l’habitude de mettre mes mains dans mes poches, si ça vous est superficiel. »

En disant ceci, Sam joignit le geste aux paroles et recommença à siffler plus fort que jamais.

« Par ici, dit son nouvel ami qui paraissait fort soulagé en entrant dans une petite rue. Nous y serons bientôt.

— Ah ! ah ! fit Sam, sans être le moindrement ému, en apprenant qu’il était si proche de la fleur des domestiques de Bath.

— Oui, reprit M. John Smauker, ne soyez pas intimidé, monsieur Weller.

— Oh ! que non.

— Vous verrez quelques uniformes très-brillants, et peut-être trouverez-vous que les gentlemen seront un peu roides d’abord. C’est naturel, vous savez : mais ils se relâcheront bientôt.

— Ça sera trrrès-obligeant de leur part.

— Vous savez ? reprit M. Smauker avec un air de sublime protection, comme vous êtes un étranger, ils se mettront peut-être un peu après vous, d’abord.

— Ils ne seront pas trop cruels, n’est-ce pas ? demanda Sam.

— Non, non, repartit M. Smauker en tirant sa tabatière, qui représentait une tête de renard, et en prenant une prise distinguée. Il y a parmi nous quelques gais coquins, et ils aiment à s’amuser… vous savez… mais il ne faut pas y faire attention. Il ne faut pas y faire attention.

— Je tâcherai, dit Sam, de supporter le débordement des talents et de l’esprit.

— À la bonne heure, répliqua M. John Smauker en remettant dans sa poche la tête de renard et en relevant la sienne. D’ailleurs, je vous soutiendrai. »

En causant ainsi, ils étaient arrivés devant une petite boutique de fruitier. M. John Smauker y entra, et Sam, qui le suivait, laissa alors s’épanouir sur sa figure un muet ricanement et divers autres symptômes énergiques d’un état fort désirable de satisfaction intime.

Après avoir traversé la boutique du fruitier, et déposé leurs