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femme, commença à réciter la pièce de vers en question. « Je l’appelle, » dit-il :

LE LIERRE.

Oh ! quelle plante singulière
Que ce vieux gourmand de lierre,
Qui rampe sur d’anciens débris !
Il lui faut l’antique poussière
Que les siècles seuls ont pu faire,
Pour contenter ses appétits.
Oh ! quelle plante singulière
Que ce vieux gourmand de lierre !

Dans son domaine solitaire,
Tantôt il s’étend sur la terre,
Rongeant la pierre des tombeaux ;
Et tantôt, relevant la tête,
Il grimpe, d’un air de conquête,
Au sommet des plus grands ormeaux.
Oh ! quelle plante singulière
Que ce vieux gourmand de lierre !

Par le cours fatal des années,
Les nations sont ruinées,
Mais lui, rien ne peut le flétrir.
Les plus grands monuments de l’homme,
À quoi donc servent-ils, en somme ?
À l’abriter, à le nourrir.
Oh ! quelle plante singulière
Que ce vieux gourmand de lierre !

Tandis que le bienveillant ecclésiastique répétait ses vers une seconde fois pour permettre à M. Snodgrass d’en prendre note, M. Pickwick étudiait avec un grand intérêt l’expression de sa physionomie. Il prit ensuite la parole et dit au vicaire :

« Voulez-vous me permettre, monsieur, malgré la nouveauté de notre connaissance, de vous demander si, dans le cours de votre carrière, comme ministre de l’évangile, vous n’avez pas observé beaucoup d’événements dignes d’être conservés dans la mémoire des hommes ?

— Effectivement, monsieur, répliqua le ministre ; j’ai observé beaucoup d’événements, mais dans une sphère étroite ; et ils ont toujours été d’une nature simple et ordinaire.

— Vous avez réuni, je pense, quelques notes sur John Ed-