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Les chevaux furent mis ; le cocher monta sur son siége, le gros joufflu grimpa à côté de lui ; les adieux furent échangés, et le carrosse roula. Au moment où les pickwickiens se retournèrent pour l’apercevoir encore une fois, le soleil couchant jetait une teinte chaleureuse sur le visage de leur hôte, et faisait ressortir l’attitude somnolente du gros joufflu : il avait laissé tomber sa tête sur sa poitrine, et il était encore à dormir !





CHAPITRE V.

Faisant voir entre autres choses comment M. Pickwick entreprit de conduire une voiture, et M. Winkle de monter un cheval ; et comment l’un et l’autre en vinrent à bout.

Le ciel était brillant et calme ; l’air semblait embaumé ; tous les objets de la création étaient remplis d’un charme inexprimable, et M. Pickwick, appuyé sur le parapet du pont de Rochester, contemplait la nature, et attendait l’heure du déjeuner.

La scène qui se déroulait à ses regards aurait pu charmer un esprit bien moins admirateur des beautés champêtres. À sa gauche s’étendait une antique muraille, éboulée dans beaucoup d’endroits, mais qui, dans d’autres, dominait de sa masse sombre, les rives verdoyantes de la Medway. Des touffes de lierre couronnaient tristement les noirs créneaux, tandis que des festons de plantes marines, suspendues aux pierres dentelées, tremblaient au souffle du vent. Derrière ces ruines s’élevait le vieux château, dont les tours sans toiture, dont les murailles croulantes attestaient encore l’ancienne grandeur, lorsque le bruit des armes ou les chants de fête retentissaient sous ses voûtes splendides. De chaque côté, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, on apercevait les bords de la rivière couverts de prairies et de champs de blé, au milieu desquels se détachaient çà et là des moulins et des églises ; paysage riche et varié, que rendaient plus admirable encore les ombres errantes des légers nuages qui flottaient dans la lumière du soleil matinal. La Medway, réfléchissant l’azur argenté du ciel, coulait silencieusement en nappes brillantes ;